Farouche adversaire du président de la République sortant, Me Aïssata Tall Sall, avec son ralliement au camp présidentiel, est maintenant une alliée de Macky Sall. Un changement de posture qui suscite l’indignation chez bon nombre de Sénégalais.
De la dame de fer que décrivait, il y a peu de temps dans ces mêmes colonnes d’’’EnQuête’’, la journaliste Charlotte Meyer, Me Aïssata Tall Sall passe désormais, aux yeux d’une bonne frange de l’opinion, comme une politicienne quelconque, prompte à changer de robe au gré des intérêts et des circonstances du moment. Son ralliement au camp présidentiel a, en effet, suscité, depuis son annonce, l’indignation chez certains Sénégalais. Du coup, la symbolique qu’elle représentait au sein de l’opinion publique s’effondre comme un château de cartes et, avec elle, le mythe qui a toujours entouré sa personnalité jadis adulée au-delà même de nos frontières.
Si la posture de la ‘’petite paysanne de Podor’’ (du titre de cette contribution de Charlotte Meyer récemment parue dans les colonnes d’’’EnQuête’’ et dans laquelle elle loue sa bravoure et sa constance) suscite autant l’indignation des populations sénégalaises, c’est parce que la dame a toujours bénéficié, de par ses prises de position, sa constance et sa trajectoire, tout un capital de sympathie qui l’a propulsée au-devant de la scène politique et qui lui a donné une certaine notoriété. Sa forte résistance contre l’arrimage du Parti socialiste à la candidature du président Macky Sall lui a valu, d’abord, sa destitution en tant que secrétaire nationale, porte-parole, ensuite son exclusion définitive du Ps.
Aïssata Tall Sall s’est, en effet, très tôt démarquée du leadership d’Ousmane Tanor Dieng, après le triomphe de la coalition Benno Bokk Yaakaar le 25 mars 2012, marquant ainsi l’installation de Macky Sall au pouvoir. Mais aussi le début du compagnonnage entre le Ps et le parti présidentiel, l’Alliance pour la République, qui se poursuit jusqu’ici, dans le cadre de la coalition susmentionnée. C’est d’ailleurs pour protester contre cette nouvelle dynamique enclenchée par le secrétaire général des verts, qu’elle s’est présentée contre lui lors du 15e Congrès ordinaire du Ps tenu les 6 et 7 juin 2014.
Alors que la plupart des caciques et autres barons socialistes s’affairaient aux préparatifs des élections locales de la même année, le Secrétariat exécutif du Ps, actionné par son secrétaire général, décide de la tenue du 15e congrès. Malgré leurs réticences et autres récriminations, le congrès fut tenu au forceps. Ousmane Tanor Dieng n’a devant lui qu’un seul adversaire : Aïssata Tall Sall. Mais celle-ci sera laminée au cours du vote et sauvée d’une humiliation par l’arrêt du processus par le secrétaire national chargé de la vie politique du Ps qui n’est personne d’autre que Khalifa Sall, écarté de la course à la présidentielle du 24 février 2019 du fait de sa condamnation à 5 ans de prison ferme dans l’affaire dite de la caisse d’avance de la ville de Dakar.
Défaite, la mairesse de Podor s’éloigne des instances de son parti et y gèle même ses activités. Cette posture d’Aïssata Tall Sall marque d’ailleurs les premières lignes de fracture avec son parti. Accusée d’activités fractionnistes visant à déstabiliser le parti, elle est définitivement exclue du Ps. Après une longue période d’hésitation et de contestation de la légitimité du Bureau politique de prononcer son exclusion sans l’avoir entendue au préalable, elle finit par abdiquer. Pour ensuite prendre ses responsabilités.
Ainsi, elle lance, le samedi 8 avril 2017, son mouvement Osez l’avenir avec lequel elle va d’ailleurs engager la bataille des législatives du 30 juillet de la même année. A l’issue de ces élections âprement disputées, elle a réussi à décrocher un poste de député par le truchement du plus fort reste. Sortie des élections législatives de 2017 avec un score peu honorable, Aïssata Tall Sall se positionne malgré tout en un véritable adversaire du président de la République Macky Sall. L’élan du maire de Dakar Khalifa Sall, brisé par son incarcération dans l’affaire de la caisse d’avance, elle prend le relais et occupe le devant de la scène pour se positionner comme le candidat socialiste devant faire face au président de la République sortant, pourtant soutenu par son ancienne formation politique.
Tel le plan B des dissidents du Parti socialiste, elle annonce sa candidature à l’élection présidentielle du 24 février 2019 depuis la banlieue dakaroise. ‘’En 2007, des gens m’ont demandé de me présenter à l’élection présidentielle. Je leur ai répondu que ce n’était pas encore le moment. En 2012, ils me l’ont encore demandé, je leur ai rétorqué la même chose. Mais, je pense maintenant qu’il est encore temps que je me présente. Le moment est pour moi venu de le faire’’, avait-elle déclaré au cours d’une visite de proximité dans le département de Pikine.
Mais, au fur et à mesure qu’elle s’avançait dans son combat, elle s’éloignait du camp du maire de Dakar. En un moment donné, les relations complices et fraternelles qu’ils ont toujours entretenues au sein du Ps en ont pris un sacré coup.
Dans un milieu politique sénégalais où le mâle dominant a toujours dicté sa loi, Aïssata Tall Sall s’est pourtant frayé une place de choix. ‘’Dans la vie, rien n’est donné : tout s’acquiert par la détermination’’, a-t-elle toujours soutenu dans ses différentes sorties médiatiques. Que ce soit en politique, dans sa carrière professionnelle ou dans sa vie courante tout court, elle a toujours été constante dans ses principes. Elle n’a jamais caché son ambition de briguer le suffrage des Sénégalais et rompre, à cet effet, une vieille domination masculine dans la gestion du pouvoir depuis bien avant même l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale, en 1960. ‘’Mon ambition est de faire élire au Sénégal la première femme présidente de la République de l’espace africain francophone’’, déclare-t-elle en 2015, dans les colonnes du magazine français ‘’Jeune Afrique’’. Mais cette ambition s’amenuise avec sa décision prise de soutenir la candidature du président Macky Sall aux côtés d’Ousmane Tanor Dieng qui a été toujours logique dans sa démarche.
EnQuête