CONTRIBUTION
«Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Lamartine ne savait pas si bien dire et s’il existe une pénurie à laquelle personne ne s’attendait au Sénégal, même dans les prévisions les plus alarmistes qu’invraisemblables, c’est bien celle de procureur. Eh oui ! Qui l’eût cru ? Si c’est une lapalissade que de dire que la justice n’a jamais été autant vassalisée, instrumentalisée, enchainée et rendue corvéable et malléable à souhait par l’exécutif, il n’en demeure pas moins que l’hypothèse de se retrouver orphelin de procureur de la République n’a jamais effleuré même les esprits les plus sceptiques. Qu’est-il arrivé à notre Serigne Bassirou Guèye national ? Celui-là même qui, dans l’affaire Khalifa Sall, a enfourché le cheval de l’équité des citoyens devant la loi et est monté au front tel un preux chevalier, l’épée de Dame Justice au poing, les cheveux aux vents (enfin ce qui lui en reste) au point de renvoyer les Lat Dior et autre Samory Touré à leurs leçons. Qu’est-ce qui lui est arrivé ? That’s the one million dollar question !
Pourtant, ce n’est pas la matière première qui fait défaut. Et celle-ci n’a rien à voir avec la liste des 25 dignitaires de l’ancien régime sur laquelle Macky Sall affirme avoir mis le coude après avoir soustrait le seul Karim Meïssa Wade par un pur hasard, un hasard planifié et exécuté d’une main d’orfèvre depuis les officines du maquis, cela dit. Non ! Cette liste-là, Macky Sall a mis le coude dessus. Et ceux qui traduisent çà par le wolof «mo ci tég thionç bi» ont tout faux parce cette expression n’existant pas en wolof ne résulte que de la traduction littérale (mot à mot). Ce qu’il convient de dire c’est : «mo ci tég tankam». Et c’est de là seulement qu’on se rend compte de l’immensité de la tâche qui consiste à la lui enlever. Inutile de vous faire un dessin.
Mais les scandales (avérés et supposés) sous l’ère Macky Sall, c’est comme le «thiéré» (couscous) la nuit d’Achoura (Tamkharit), c’est en veux-tu en voilà, en commençant par Aliou Sall, l’éternel assisté devenu négociant en pétrole, en passant par Oumar Hanne et son goût prononcé pour les épices et autres ingrédients, sans oublier Siré Dia qui risque de passer entre les mailles du filet comme lettre à la poste, pour arriver à Mbaye Prodac qui, après avoir affolé les compteurs en terme d’incurie, a réussi (on ne se sait par quelle alchimie) à se persuader qu’il pouvait démissionner un dimanche. Et le peuple, ahuri, a assisté à son marathon surréaliste et ubuesque entre la primature, le domicile du Premier ministre et la présidence et qui a fini par se payer un bolide à coup de millions (surement pour fêter son exploit). Et last but not least, le super méga dossier des 94 milliards avec comme Mamour Diallo (l’absent le plus présent de la scène médiatique) pour héros, voire zéro.
Ce dossier est un tsunami dévastateur comparé à la tempête dans un verre d’eau que constitue celui de Khalifa Sall. Et le peuple se devait en droit de s’attendre au moins au même allant, au même entrain, au même volontarisme et à la même célérité, sinon à 50 fois plus de la part de notre Serigne Bassirou Guèye national. Mais que nenni ! La plainte déposée sur sa table depuis mai 2018 n’y fera rien. Dire qu’il fait le mort c’est insulter les morts qui, quoique bien morts, ne sont pas morts d’après Birago. Le citoyen lambda s’en est réduit à se demander s’il a vraiment existé ou s’il était juste le fruit de son imagination d’homme épris de justice. En tout état de cause, dans ce Sénégal exposé à la prédation des deniers publics, à la corruption, aux détournements en tout genre, à la prévarication et à l’enrichissement illicite, le peuple souverain réclame plus que jamais ce qu’il conçoit comme étant une denrée de première nécessité, à savoir un procureur de la République qui réagit à défaut d’agir.
Abdou COLY
Pastef Commune de Mbao