Tout comme Karim Wade, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, a vu le Conseil constitutionnel rejeter définitivement sa candidature à la présidentielle. Il vient de saisir la Cour de justice de la Cedeao dans le cadre d’une procédure en urgence contre l’État du Sénégal.
En guise de campagne électorale, Khalifa Ababacar Sall court un marathon judiciaire qui semble n’avoir pas de fin. Ce 20 janvier, à 23 heures locales, le Conseil constitutionnel sénégalais a officiellement rejeté le recours déposé par l’ancien député et maire de Dakar contre la décision invalidant sa candidature. La présidentielle du 24 février devrait donc se tenir sans lui ni Karim Wade, dont le recours a connu le même sort.
Pourtant l’édile déchu, incarcéré depuis mars 2017, ne s’avoue pas vaincu. Le 16 janvier, ses avocats ont déposé contre l’État du Sénégal plusieurs requêtes concomitantes devant la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui siège à Abuja. Un va-tout par lequel il espère faire reconnaître son droit d’être candidat malgré sa condamnation en appel à 5 ans de prison, laquelle n’est, à ses yeux, toujours pas définitive – donc ne saurait l’empêcher de concourir.
En novembre, Karim Wade avait le premier saisi la juridiction communautaire pour faire reconnaître la validité de son inscription sur les listes électorales. L’affaire n’a pas encore été examinée.
Procédure accélérée
Outre une requête introductive d’instance, les avocats de Khalifa Sall ont également engagé une procédure en référé et une procédure accélérée, afin que la Cour statue avant l’ouverture officielle de la campagne, prévue le 3 février.
Dans leurs mémoires, que Jeune Afrique a pu consulter, Mes Ciré Clédor Ly et Demba Ciré Bathily se réfèrent à plusieurs textes censés s’imposer au Conseil constitutionnel sénégalais et que celui-ci, selon eux, aurait bafoués en écartant Khalifa Sall de la présidentielle : la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi que la Constitution sénégalaise.
Dans leurs requêtes, ils soutiennent que plusieurs principes affirmés dans ces textes n’auraient pas été respectés : la non-rétroactivité des lois ; la proportionnalité et l’individualisation des peines ; le droit de prendre part à la conduite des affaires publiques de son pays, de voter et d’être élu.
Électeur ou pas ?
Les avocats considèrent en effet qu’en modifiant la loi électorale à quelques mois du dépôt des candidatures, imposant désormais à chaque postulant d’être inscrit sur les listes électorales, les autorités sénégalaises auraient sciemment cherché à écarter deux opposants : Khalifa Sall et Karim Wade.
Ils considèrent en outre que seule une décision de justice pourrait priver Khalifa Sall de son statut d’électeur (donc de candidat), et qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de lui nier ce droit. Ils rappellent enfin que le rejet des pourvois en cassation prononcé par la Cour suprême le 3 janvier est toujours soumis à un recours suspensif en « rabat d’arrêt ». Autrement dit, la condamnation du maire de Dakar à 5 ans de prison dans l’affaire de la caisse d’avance, confirmée en appel, ne serait toujours pas définitive.
Souveraineté
Si les décisions de la Cour de justice de la Cedeao sont censées s’imposer aux États parties, leur application par ces derniers n’est jamais acquise. Le Sénégal ayant, à plusieurs reprises, invoqué la souveraineté de ses institutions judiciaires dans les affaires Karim Wade et Khalifa Sall, il apparaît peu probable qu’une décision venue d’Abuja aboutisse à rebattre les cartes de la présidentielle.
Jeune Afrique