Après la Banque mondiale, la Bid vient d’injecter des fonds au Sénégal, pays qui entre dans sa phase électorale. Cela au moment où une partie de l’opinion voit cela comme risqué dans la mesure où le pouvoir n’est pas sûr de décrocher son ticket pour le deuxième mandat. En tout cas l’engagement, sans réserve des bailleurs, semble présager d’un bon aloi pour le pouvoir en place. En cas de perte du pouvoir, l’équipe à venir et les Sénégalais devront payer pour des engagements qu’ils n’auront pas pris.
Le groupe de la Banque islamique de développement (Bid) a accordé, mardi dernier, un financement de 61 milliards de francs Cfa. Ce financement va servir à l’accompagnement de plusieurs projets dans l’autosuffisance en riz, de la finance islamique, de la réhabilitation des routes rurales. Cela s’est fait à travers la signature de quatre accords de financement entre le groupe de la Banque islamique de développement, conduit par Bandar Hajjar, président du Groupe de la Bid et la République du Sénégal, représenté par Amadou Bâ, ministre de l’Economie. Ce financement arrive à moins d’un mois de la présidentielle de 2019. Cela, au moment où le débat sur le financement par les bailleurs, à quelques encablures de la présidentielle, ne s’est pas encore estompé. La contestation de l’opposition quant à l’engagement du régime à recevoir des fonds alors que la continuité au pouvoir n’est pas acquise, est encore fraiche dans les mémoires. En effet, l’opposition avait manifesté contre ce financement. Cela a été fait, au sortir de la rencontre de Paris où l’équipe de Macky Sall avait pu décrocher près de 7 000 milliards de francs cfa. L’indignation a été si manifeste qu’elle a même suscité une lettre ouverte de Karim Wade à l’attention des bailleurs du groupe consultatif de Paris. Cela pour demander un audit des finances publiques. Une lettre restée sans suite. Pour dire vrai, il semble que l’opposition a bien des raisons de douter de la finalité des fonds acquis en ces périodes où les mannes politiques se font désirer tant du côté de la coalition présidentielle que de celui de l’opposition pour battre campagne. Cela bien que les procédures de décaissements soit rigoureuses et bien suivies. Mais cela semble laisser de marbre les financiers qui ne retirent pas les mains dans le financement et l’investissement.
La question est de savoir pourquoi les bailleurs injectent encore des fonds alors qu’avant ils se retenaient le temps pour voir plus clair avant d’investir. Cela a été le cas sous Abdoulaye Wade alors que le pays était en ébullition dans la mesure où certains suspectaient le forcing d’un troisième mandat. Les bailleurs avaient presque fermé les robinets, observé une pause dans le transfert de fonds. Il fallait tenir compte des risques.
Aujourd’hui, malgré les tensions minimes qui animent le champ politique au fur et à mesure qu’on s’approche de février 2019, les financiers ne marquent point d’arrêt dans le financement et l’investissement. C’est à se demander si les bailleurs ne seraient pas en train de parier sur une victoire du candidat sortant, pour ne pas dire valider le second mandat. En effet, il y a de quoi s’étonner parce qu’il leur était de coutume de bloquer les financements à l’approche des élections.
Sans conteste, il y a enjeu dans ces engagements entre l’équipe de Macky Sall et les bailleurs dans la mesure où le prochain gouvernement sera contraint de payer ce qu’il n’a pas commandé. Pour les Sénégalais, c’est encore des dettes à payer. Ce qui est sûr, c’est que les bailleurs ne perdent pas, que le régime parte ou reste. Seuls les Sénégalais seront comptables.
Emile DASYLVA