Une élection présidentielle, ce n’est pas seulement parrainage, caution, nationalité unique, casier judiciaire et quitus fiscal. D’autres conditions qui relèvent de l’underground interviennent pour influencer le choix de l’électeur. Et les protagonistes s’en donnent à cœur-joie pour fouiller dans la face cachée de leurs adversaires, notamment les plus redoutables.
Quarante-sept jours nous séparent du premier tour de la présidentielle de 2019. D’ici là, outre les obstacles juridiques dressés sur le chemin du Palais, d’autres plus ou moins conventionnels seront érigés pour éliminer des candidats sérieux. «Affaires» et mœurs, tout y passe. Bouchez-vous le nez, les boules puantes vont sortir ! La «fillonisation» de la vie politique, ça vous dit ? A la présidentielle française de 2017, l’ancien Premier ministre François Fillon mène le bal des sondages. Dans la tête de ses fidèles, son installation au 12, rue du Faubourg Saint-Honoré n’est qu’une question de semaines. Le candidat des Républicains surclasse tous ses concurrents dans les primaires de la droite et du centre. Même son ancien patron, Nicolas Sarkozy, mord la poussière devant la montée en puissance du chouchou des sondages. En bout de tapis, c’est d’une bouchée qu’il fait un autre ancien Premier ministre, Alain Juppé. Puis, patatras ! Alors qu’il tient seul la corde, Fillon voit les affaires sortir, les unes après les autres. Des activités de Pénélope, son épouse, aux costumes de Robert Bourgi, tout y passe. Fillon est soupçonné d’emplois fictifs au profit de son épouse et de ses enfants, recrutés comme assistants parlementaires. Puis, les emmerdes volent en escadrilles, comme aurait caricaturé, dans l’humour qui est le sien, Jacques Chirac. Une affaire de costumes offerts vient, en effet, se greffer à la première. L’histoire fait grand bruit, avec comme acteur principal le sulfureux avocat et homme d’affaires, Robert Bourgi. Ce dernier dit avoir offert des costumes de luxe à François Fillon. Pour quelqu’un qui a fait de la moralisation de la vie politique un thème de campagne et un élément de son projet de société, la pilule passe mal. Conséquence : le favori des sondages ne passe même pas le cap du premier tour. Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont qualifiés pour le second. Fillon se contente de la troisième place. Une douche froide pour celui qui, quelques mois auparavant, ne se faisait aucun doute sur son éligibilité au second tour. Les casseroles sont passées par là.
Ce rappel historique d’un fait récemment survenu chez «nos ancêtres, les gaulois», c’est pour seulement mettre en garde contre la naïveté de croire que l’élection c’est seulement parrainage, caution, nationalité exclusive, casier judiciaire et quitus fiscal. D’autres conditions qui relèvent de la moralité des acteurs interviennent pour influencer le choix de l’électeur. Et les protagonistes s’en donnent à cœur-joie pour fouiller dans la face cachée de leurs adversaires, notamment les plus redoutables. Depuis la semaine dernière, Ousmane Sonko, avatar sénégalais de Fillon, en fait les frais. Des micmacs fonciers dans lesquels il serait impliqué en tant que fonctionnaire des impôts et domaines refont surface. Il lui est reproché d’avoir usé de cette fonction et de celle de député pour un but d’enrichissement personnel. Si l’affaire date de quelques mois, ce n’est que maintenant qu’elle est montée en épingle. Le contexte est donc suspect. Mais, c’est quelque peu la règle du jeu : en période de campagne, les cafards, peu importe leur taille, sont exhumés. Tous les candidats admis à convoiter le suffrage sont donc avertis.
Ibrahima ANNE