L’engagement des artistes sénégalais est, sans conteste, manifeste, prenant, de temps à autre, des envolées choquantes pour certains, salutaires pour d’autres. Le clip de Keur Gui n’est que la suite d’un processus de dénonciation, d’engagement qui s’est progressivement imposé.
Le clip du groupe de rap, Keur Gui, titré Saï Saï au cœur fait tabac depuis mardi. Cela, avec un contenu qui expose les maux de la société sénégalaise, face à un président de la République qui danse. Cela n’a pas manqué de susciter des indignations du côté du pouvoir, tandis que d’autres approuvent.
En réalité, cette vidéo est une suite de la chaine de contestations et d’éveil citoyen des rappeurs à travers leurs seules armes que sont le micro et la voix. En effet, depuis le début, les indignations des artistes quant à la gestion du Sénégal, ont été constantes. Celles-là ont été affirmées à travers différents moyens. Titres de leurs productions musicales, interviews, clashs, critiques, coups de gueule…A vrai dire, les rappeurs n’ont pas manqué d’inspirations pour mettre à nu le régime de Macky Sall de manière constante. À l’an deux de son mandat, c’est-à-dire en 2013, Macky Sall avait déjà reçu un avertissement à travers le tube Gor ca wax ga, digué bor la. Une manière de lui rappeler ses promesses de campagne. Le journal rappé, initié par Makhtar Fall alias Xuman, Cheikh alias «Keyti» ont aussi fait sensation.
Cette sortie des acteurs de la culture sénégalaise, notamment le groupe de rap Keur Gui sans oublier les autres ténors du rap sénégalais tels Simon, Awadi, Malal Talla alias «Fou Malade»…a pourtant fait tilt et évoqué tant de souvenirs sur les clashs que les artistes ont adressés aux régimes précédant celui de Macky Sall qui est en train d’en avoir pour son compte. En effet, sous Abdoulaye Wade, on se rappelle du duel entre le président et les artistes qui s’étaient joints à la société civile à travers des mouvements comme Y en a marre, M 23…Les dernières années de Me Wade au pouvoir, c’est-à-dire 2011-2012, sont d’ailleurs restées mémorables dans l’histoire du rap sénégalais. Ses animateurs étaient présents le 23 juin 2011, date fatidique dans les combats contre le régime libéral. Les duels étaient si épiques que beaucoup s’étaient illustrés dans leur hargne à mettre à nu le régime libéral. Et comme s’il s’agissait d’un bis repetita, la sortie du clip de Keur Gui, à moins de deux mois de la présidentielle de février 2019, rappelle celle des rappeurs à trois mois de la présidentielle de 2012 pour arriver à cristalliser la classe politique, civile contre le régime de Abdoulaye Wade. Pour dire vrai, les créations artistiques n’ont pas manqué sous Abdoulaye Wade. Les artistes, dans la confrontation étaient loin d’être en panne d’inspiration. Toutes les occasions étaient bonnes pour tancer l’ancien président. Leurs points de vue étaient aussi scandés à travers les titres de tube tel que «Abdoulaye, Faux ! Pas forcé», sorti en 2011 par Y en a marre.
L’autre qui reste dans la mémoire des Sénégalais, c’est bien Ouza Diallo. Ne faisant pas du rap, le père d’Adiouza, connu dans divers styles, a aussi fait mouche dans la contestation et la prise de conscience en tant qu’artiste. Cela, à travers ses productions. Dans des interviews accordées à des confrères, il revient sur ces face-à-face avec Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf. «Je n’étais pas d’accord avec le Président Senghor sur le plan social, mais j’étais en agrément avec lui sur le plan politique et culturel. Je n’étais pas non plus en accord avec le Président Abdou Diouf», confie-t-il, révélant que ses cassettes étaient brulées et qu’il a été contraint d’envoyer ses productions musicales depuis la Gambie.
Emile DASYLVA