De sa création en 2012 à nos jours, le Conseil constitutionnel a été le réceptacle des contentieux politiques. Ceux de Karim Wade et Khalifa Sall le mettront durement à l’épreuve d’une incapacité des politiques à solder leurs comptes.
Si ce n’est pas une fuite de responsabilité constitutionnellement habillée, cela y ressemble fort. Après le terrain politique où ils se sont violemment affrontés avec, au finish, la prison pour les uns et l’exil pour les autres, c’est sur le tatami judiciaire que les gladiateurs vont solder leurs comptes. Ou, plus exactement, c’est sur ce terrain que les sept «sages» du Conseil constitutionnel vont le faire par procuration. C’est là l’un des vices de la démocratie où le juge sert souvent à arbitrer des conflits politiques, à éteindre un feu qu’il n’a pas allumé. Notre système politique décèle tellement de germes contentieux que, d’amont en aval, sa gestion n’est pas de tout repos pour le juge souventes fois amené à mettre son nez dans les affaires politiques. En refusant de se prononcer sur le bénéfice ou non des droits civiques par le condamné Karim Wade, les juges de la Crei (…) ont sciemment choisi de se laver les mains et, subséquemment, de renvoyer le sale boulot au Conseil constitutionnel. Idem pour l’intéressé, lui-même, qui, débouté de toutes ses demandes de rétablissement dans ses droits électoraux, a fait fi de tout pour forcer le barrage du Conseil constitutionnel en déposant un dossier de candidature en bonne et due forme. Aussi, appartiendra-t-il aux sept «sages» de la haute juridiction politique de dire si oui ou non le citoyen Karim Meïssa Wade a rempli correctement les cages sur les critères d’éligibilité. Mission périlleuse quand on sait que le Pds et son champion, sous la bonne dictée du patriarche de Versailles, ont fait de la validité de cette candidature une condition de tenue de l’élection présidentielle.
D’un autre côté, le maire déchu de la capitale qui a un délibéré pendant devant la Cour suprême, s’est, lui aussi, acquitté de la charge en déposant son dossier de candidature. La Cour suprême devant statuer sur les faits pour voir si la règle de droit a été correctement et rigoureusement appliquée par les juges du fond s’en cantonnera à ce rôle. Il ne faut pas attendre du sommet de la pyramide judiciaire qu’il dicte une conduite à tenir, notamment dans le sens de déclarer Khalifa Ababacar Sall inéligible. Et c’est donc et encore devant le Conseil constitutionnel que cette question sera vidée.
Ces deux exemples renseignent à suffisance sur la centralité de cette juridiction qui, entre autres compétences attributives, est chargée de contrôler la validité des candidatures. Si les politiques lui avaient facilité la tâche en arbitrant, eux-mêmes, leurs divergences, cela n’aurait été qu’une simple promenade de santé. Mais, tel n’a toujours pas été le cas pour cet organe né en 1992, dans la foulée des élections tumultueuses de 1988. Déjà, en 1993, c’est sur lui que s’est déchargée la Commission nationale de recensement des votes de la Cour d’appel présidée à l’époque par Andresia Vaz. Ce refus de statuer mit les 5 «sages» de l’époque devant une lourde responsabilité. Laquelle se soldera, coup sur coup, par la démission d’un juge-président (Kéba Mbaye) et l’assassinat de son vice-président (Me Babacar Sèye).
En 2011-2012, c’est aussi cette institution qui fut envoyée au charbon pour apprécier l’aptitude du Président sortant à briguer un troisième mandat. Ramant à contre-courant, ils prennent le contrepied de tous les juristes qui avaient conclu en l’impossibilité d’un troisième mandat pour Abdoulaye Wade. Résultat des courses : des émeutes qui mirent le pays sens dessus dessous avec des morts à Dakar dont l’étudiant Mamadou Diop et à Podor.
Ibrahima ANNE