L’ancien secrétaire général de la Ligue démocratique (Ld) Abdoulaye Bathily ne ménage pas le pouvoir.
Dans un entretien accordé au journal Jeune Afrique, il souligne que la démocratie sénégalaise a subi un sacré coup durant le septennat du successeur de Abdoulaye Wade au pouvoir, en l’occurrence, Macky Sall. Et il pointe du doigt la Justice qu’il estime agir sous les ordres de l’Exécutif. Le Jallarbiste se réfère au cas du candidat déclaré du Pds, Karim Wade à qui on a refusé son inscription sur les listes électorales et à celui du leader de la coalition Taxawu Sénégal en prison et dont le sort sera fixé le 3 janvier prochain par la justice sur son éventuel participation à la joute électorale, prévue le 24 février 2019. «Je crois savoir que l’on est en période de sécheresse démocratique. Voilà 50 ans que je participe au combat politique au Sénégal, et c’est la première fois que l’on fait écarter par la justice des candidats à la présidentielle. Au Sénégal comme ailleurs se pose la question du rôle de la justice dans les procès d’opposants, et cela fragilise le système démocratique», déplore l’ancien ministre de l’Industrie sous le régime de Abdoulaye Wade. Abdoulaye Bathily rappelle que «cela fait dix-huit mois qu’il dit que le procès de l’ancien maire de Dakar est politique». L’ancien patron de la Ld affirme que sur les deux cas précités, la justice sénégalaise a toujours été désavouée par les juridictions internationales. «La Cour de justice de la Cedeao a rendu un jugement qui considère que la procédure n’a pas été équitable. L’État sénégalais, qui est membre de la Cedeao et a adhéré à la Charte de la Cedeao, doit se soumettre à ce jugement, mais il ne l’a pas fait jusqu’ici. La Commission des droits de l’homme de l’Onu a abouti pratiquement à la même conclusion. Tout cela montre bien qu’il y a volonté d’éliminer un adversaire». Le professeur d’Histoire de poursuivre : «On ne règle pas des problèmes politiques en se servant de la justice. Actuellement, lorsque les gens soupçonnés de malversations sont contre vous, ils tombent sous le coup de la loi. Mais lorsqu’ils sont avec vous, vous les épargnez. À partir de ce moment-là, la justice perd sa crédibilité, et le jugement sa légitimité aux yeux de l’opinion. C’est cela qui amène les tensions, et demain une ambiance de règlements de comptes qui porte en germe le recul de la démocratie».
En revanche, même s’il reconnait que les dossiers judiciaires de Karim Wade et de Khalifa Sall sont différents, Abdoulaye Bathily souligne que les deux hommes politiques qui aspirent à devenir le président de la République doivent faire l’objet d’un «traitement équitable». En outre, il dénonce la politique de deux poids deux mesures sur les personnes qui ont été poursuivies par la Crei où seuls Karim Wade et sa bande ont été jugés alors que d’autres ont vu leurs dossiers gelés.
Toutefois, dans cet entretien, l’ex candidat à la Commission de l’Union africaine a abordé des questions qui touchent la Cpi, Israël, les Etats-Unis, le Togo, la Guinée, la Rd Congo, le Burundi, le Cameroun et le Sénégal.
Mamadou GACKO