Une rocambolesque affaire de meurtre avec acte de barbarie a été jugée, hier, à la barre de la chambre criminelle de Dakar.
Au banc des accusés, il y a les frères Niang. Ces derniers ont, avec l’aide de leurs voisins, tabassé à mort un voleur. Les faits remontent au 17 octobre 2013, aux alentours de 8 heures. Ce jour-là, les éléments du commissariat de Malika recevaient un appel téléphonique d’une personne, sous le couvert de l’anonymat, les informant qu’un voleur aurait été ligoté et soumis à une vindicte populaire au quartier Omar Kane sis à Ben Barack. Un transport effectué sur les lieux a permis aux policiers enquêteurs de découvrir, dans la maison de la dame Seynabou Lô, précisément à l’entrée de la porte principale, le corps sans vie du nommé Samba Tall, très connu des services de police pour avoir été arrêté plusieurs fois pour des faits de vol et d’agression. Les limiers ont trouvé le corps enveloppé dans un drap tacheté de sang. Il présentait des blessures sur plusieurs parties, notamment la tête, le thorax et les parties intimes. La bouche de la victime étant édentée et ensanglantée, le lobe de l’oreille sectionné. Des traces de sang avaient été aussi découvertes sous la véranda et sur le tapis Pathé Niang ainsi que sur les chaussures du défunt Samba Tall. Selon les enquêteurs, les premiers renseignements recueillis sur place révèlent que dans la nuit du 16 au 17 octobre, le défunt Samba Tall a été pris en flagrant délit de vol, vers les coups de 2 heures du matin, dans la chambre de Pathé Niang. C’est par la suite qu’il a été déshabillé, ligoté puis lynché avant de rendre l’âme à 6 heures du matin. Le certificat de genre de mort a conclu à une mort à la suite de coups et blessures avec un objet ferme, dur et contondant. L’enquête subséquente a révélé que Seynabou Lô, propriétaire de la maison, déclare avoir été réveillée par le bruit.
Le voleur avait pris un sac contenant 300.000 francs et deux portables
Quand elle est sortie de sa chambre, elle a vu Pathé Niang qui avait aménagé dans la maison le même jour, se bagarrer avec un individu dans sa chambre. Elle ajoute qu’elle avait immédiatement réveillé Ngagne Niang, frère de Pathé, qui est aussitôt sorti pour aller au secours de son frère qui était en mauvaise posture. Elle précise que Pathé Niang disait que son antagoniste était un voleur qui avait déjà fait main basse sur son sac contenant la somme de 300.000 francs et des effets qu’il avait jetés à la fenêtre. Les dames Mbène Faye, épouse de Ngagne, et Ndèye Fatou Dramé, belle-fille de Seynabou Lô, avaient ouvert la porte principale pour aller chercher les effets. C’est à cet instant que plusieurs personnes, alertées par le bruit, avaient fait irruption dans la maison pour venir prêter main forte aux frères Niang. Elle soutient que plusieurs personnes ont lynché le voleur. L’époux de Ndèye Fatou Dramé, Abdou Ndiaye, quant à lui, a précisé avoir lui-même demandé aux frères Niang de conduire le voleur à la police. Ngagne Niang avait acquiescé tandis que Pathé Niang, visiblement excité, voulait coute que coute qu’il révèle le nom de ses acolytes qui avaient emporté le sac contenant l’argent. La mère de la victime, à son tour, a soutenu que son fils avait quitté le domicile familial le 16 octobre vers les coups de 23 heures et, le lendemain, elle a été informée de son décès. Le sieur Thierno Ousmane Thiam dit avoir été réveillé vers les coups de 5 heures du matin par Bernard qui l’a informé que son neveu faisait objet de lynchage. Arrivé sur les lieux, il l’a trouvé nu, ligoté, visiblement blessé car saignant de la tête et du thorax.
Le procureur a requis des peines allant d’un an à 10 ans de travaux forcés
Il précise qu’il s’était entretenu avec Pathé Niang qu’il avait trouvé assis devant la maison avec une machette, et ce dernier lui a dit avoir pris Samba Tall en flagrant de vol dans sa chambre. D’ailleurs Samba a dénoncé Baye Guèye comme étant un de ses acolytes. Thierno Thiam a conseillé aux frères Niang d’alerter la police avant d’aller informer ses proches. Mais à son retour, il a constaté la mort de Samba Tall.
Interpellé, Pathé Niang a contesté les faits et déclaré que Samba s’est introduit dans sa chambre pour y commettre un vol. Quand il s’est réveillé, ils ont commencé à se battre. Ayant été réveillé par le bruit, Seynabou est allée réveiller son frère qui l’a aidé parce qu’il était maîtrisé par le voleur. Ngagne Niang, l’autre accusé, a également contesté les faits. Il a déclaré avoir constaté que son frère était étranglé par un individu et il est allé alerter le voisinage pour demander de l’aide. Lorsque la foule est venue, il a demandé à ce que la police soit informée, mais son conseil n’a pas été suivi. Malgré leurs déclarations, le maître des poursuites a demandé que Ngagne soit condamné à un an de prison ferme pour non-assistance à personne en danger. Pour le nommé Pathé, il a demandé à ce que les faits de meurtre avec acte de barbarie soient requalifiés en coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort. Pour la répression, il a requis contre lui 10 ans de travaux forcés. De son côté, la défense a estimé que le voleur a été frappé par la foule et on ne saurait dire qui l’a vraiment tué. C’est pour ces raisons qu’elle a plaidé l’acquittement des accusés. Le délibéré sera connu le 15 janvier prochain.
Rewmi