Dans une lettre adressée à l’Association pour le soutien et la réinsertion sociale des détenus (Asred), les accusés du double meurtre de Bara Sow et d’Ababacar Diagne, survenu en 2012 à Mbour, s’apitoient sur leur sort.
Ils se disent oubliés derrière les barreaux, au moment où d’autres personnes poursuivies dans la même affaire sont libres. Depuis 6 ans et 7 mois, ils attendent leur procès. En vain. Voici in extenso le contenu de leur correspondance.
«Face au désespoir et au sentiment d’avoir été volontairement placés au fond des tiroirs des oubliettes, nous comptons bien user de tous les moyens légaux à notre disposition, afin de nous faire entendre et de réclamer ce qui nous revient de droit : un jugement équitable dans un délai raisonnable. En plus de 6 ans de détention dite provisoire, nombreux sont ceux d’entre nous qui ont vu leurs parents quitter ce monde sans pouvoir leur adresser des adieux ou même assister à leurs obsèques. D’autres parmi nous ont vu leurs épouses venir au parloir de la prison demander vigoureusement le divorce. Plusieurs familles se sont ainsi disloquées, faute d’horizon limpide autant pour les détenus que pour leurs proches.
Nous dénonçons, au-delà les conditions de détention connues dans notre cher pays, la torture psychologique permanente que nous subissons depuis maintenant plus de 2 400 jours qui est d’attendre, de manière quotidienne pour ne pas dire permanente, une fin à ce supplice, un honneur rendu, un horizon de liberté volée. Autrement dit, un jugement. Comment peut-on faire croire aux citoyens que nous sommes que notre République fonctionne, lorsque celle-ci ne parvient pas à traiter un tel dossier en plus de 6 ans ? Comment aussi cette même République pense-t-elle pouvoir affirmer à l’opinion publique et même internationale, préserver et respecter les droits de l’Homme? Consultons-nous le même dictionnaire en employant le terme provisoire pour définir notre détention ?».
«Plusieurs familles se sont disloquées»
Nous tenons à rappeler aux autorités judiciaires sénégalaises les responsabilités qui leur incombent à l’endroit des détenus que nous sommes, au sein de la Mac de Thiès. Grèves de la faim et tentatives de suicide n’ont rien servi jusqu’ici. Notez que face au désespoir qui nous habite, nous comptons bien retrouver notre liberté et notre dignité devant votre juge ou devant le juge, notre vie d’ici-bas n’ayant plus aucun sens.
Tout citoyen (détenu ou en liberté) dispose de droits et de devoirs. L’un de nos devoirs, en tant que détenu, est de croire en notre Justice et de respecter les décisions de celle-ci en ayant un comportement irréprochable durant cette trop longue détention. Aussi, l’un des vôtres est de procéder à un jugement dans un délai raisonnable pour les faits qui nous sont reprochés. Ceci relève d’un droit légitime devenant urgent».
Liste des 16 détenus signataires de la lettre
- Mamadou HANNE
- Mame Balla DIOUF
- Cheikh FAYE
- Ali DIOUF
- Moussa DIEYE
- Khadim SECK
- Mouhamed SENE
- Mamadou GUEYE
- Massamba FALL
- Pape NDIAYE
- Adama SOW
- Demba KEBE
- Mor Talla DIOP
- Ablaye DIOUF
- Ali DIALLO
- Demba DIALLO
Salif KA