Avec Aliou Cissé comme sélectionneur, le Sénégal ne gagnera rien», se veut formel El Hadji Ousseynou Diouf. Dans cet entretien accordé à WalfQuotidien, l’ancien capitaine des «Lions» relève les « errements » dans le coaching de son ancien coéquipier.
WalfQuotidien : En perspective de la cinquième journée des éliminatoires de la Can 2019, l’équipe nationale du Sénégal entame son regroupement ce lundi pour affronter la Guinée Equatoriale. Quelle lecture en faites-vous ?
El Hadji Ousseynou DIOUF : L’équipe nationale de football est conçue pour avoir des objectifs clairs. Ce n’est pas comme dans un championnat, où on joue tous les week-ends des matches. C’est vrai qu’aujourd’hui, on est déjà qualifié pour la phase finale de la Can de Cameroun 2019. Mais les Sénégalais en ont marre de ces qualifications.
Mais c’est déjà un objectif de réussi. On ne peut pas cracher sur cette qualification.
(Il coupe). Les Sénégalais veulent que leur équipe nationale aille jusqu’au bout d’une compétition. A défaut de gagner le titre, atteindre les demi-finales au moins.
Mais cette performance ne se décrète pas. Pourquoi cherchez-vous à imposer un tel objectif aux «Lions» ?
Parce qu’un pays comme le Sénégal ne doit plus parler seulement de qualification en phase finale de Can. Même une qualification à la Coupe du monde, qui va passer à 48 nations, ne doit plus être une performance pour notre équipe nationale. Avec tout ce que le Sénégal regorge comme potentiel, c’est un impératif d’être dans ce lot. Je l’ai toujours dit, je préfère ne pas se qualifier en lieu et place d’aller faire une simple figuration dans une compétition internationale.
L’objectif fixé au coach, Aliou Cissé, est de remporter la prochaine Can. Est-il envisageable de voir le Sénégal revenir du Cameroun avec le sacre ?
Ce n’est pas seulement les meilleurs qui doivent gagner dans les compétitions internationales. On doit progresser. Les joueurs ne peuvent pas être meilleurs dans leurs clubs et être méconnaissables en sélection nationale. Ils ont de la qualité. La mayonnaise doit tourner. Et c’est à l’entraîneur de la faire. Il ne doit pas fuir ses responsabilités. La qualité du jeu de l’équipe dépend de trois personnes : le Directeur technique national qui doit définir la politique et la philosophie du jeu, l’entraîneur qui doit choisir ses onze et les joueurs qui doivent être impliqués.
Où se situe le problème du Sénégal ?
Personne ne connaît le système de jeu du coach, Aliou Cissé. Chaque match, il change d’équipe. Une équipe doit avoir une ossature. On a des talents. Est-ce que ces talents comprennent leur entraîneur ? C’est aux joueurs d’être impliqués dans un système de jeu. Le message ne passe pas entre le coach et ses joueurs. Ce que j’ai toujours dit et que je répète, cette équipe doit progresser. Il ne suffit pas de bien jouer pour battre des équipes comme la Guinée Equatoriale, le Soudan, etc. Ces équipes n’ont pas de joueurs qui connaissent le haut niveau. Quand on joue contre de grandes équipes comme le Nigeria, la Tunisie ou l’Egypte, ça ne se passera pas facilement. Tant que cette équipe nationale aura à sa tête un sélectionneur comme Aliou Cissé, elle n’ira nulle part. Elle ne progressera jamais.
Pourquoi ?
Parce que les joueurs ne sont pas bien utilisés par Aliou Cissé. On a un problème de coaching. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Les «Lions» ont été méconnaissables contre le Soudan. Il y a un problème, qu’on le dise ou pas. On a de bons joueurs, mais on n’arrive toujours pas à gagner avec un bon jeu.
Le 17 novembre, contre la Guinée Equatoriale, qu’est-ce que cela vous dit ?
Avec tout le respect que je dois à cette équipe nationale, même mes amis de la Guinée Equatoriale savent bien que ce match est pour le Sénégal. Gagner, on va le faire. Ce qui reste à savoir, c’est avec quelle manière allons-nous gagner ? Les dernières rencontres ne sont pas des matchs de référence pour l’équipe nationale sénégalaise, où on doit sortir crier victoire. Les Sénégalais aiment le football. Ils aiment voir leur équipe jouer et gagner avec la manière pour espérer avoir quelque chose à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations.
Quelle appréciation faites-vous de la prestation des joueurs africains en Premier League ?
Ce sont des joueurs qui représentent bien l’Afrique. Si on fait allusion à Naby Keïta, Sadio Mané ou Mohamed Salah, je leur souhaite de gagner beaucoup de trophées en Angleterre et de continuer sur cette performance. Le plus dur reste à faire. La saison dernière, ils ont joué une finale de la Ligue des Champions. Ce qui doit être leur objectif cette année, c’est d’aller gagner cette Coupe. Cela parait difficile, mais c’est bien faisable. C’est plus facile de jouer en Europe, parce que là-bas, les terrains sont de bonnes qualités. Une Coupe du monde est aussi plus facile à jouer qu’une Coupe d’Afrique. Ce n’est pas comme en Afrique, où on vient défendre pour ne pas perdre.
Que pensez-vous de Sadio Mané ?
Sadio Mané est encore jeune. Il peut marquer plus de records à Liverpool. C’est à lui d’y croire et de montrer qu’il peut devenir meilleur de sa génération. Il peut gagner le Ballon d’or quatre fois. Je ne mets pas en cause son talent, mais il est arrivé au moment où il n’y a plus beaucoup de grands joueurs en Afrique. Il n’y a que deux ou trois comme dans le monde, où on ne parle que de Messi et de Cristiano Ronaldo. A mon temps, il y’avait Didier Drogba, Samuel Eto, Ben Mackarti, Adébayor, Frederik Kanouté etc. il y avait tellement de très bons joueurs. Par conséquent, il fallait se transcender pour aller gagner le Ballon d’or africain. C’est à Sadio Mané d’être conscient, c’est à lui de savoir ce qu’il veut faire dans sa vie professionnelle et l’histoire qu’il veut écrire.
Propos recueillis par Salif KA