L’absence d’informations sur l’état de santé du président gabonais Ali Bongo Ondimba, 59 ans, hospitalisé depuis deux semaines à Ryad après “un malaise”, selon la présidence à Libreville, alimente l’inquiétude et les rumeurs alarmistes.
Un montage grossier diffusé mardi soir sur les réseaux sociaux montrait ainsi des images de l’ambassadeur du Gabon en France annonçant la mort du président Bongo.
Le 28 octobre, quatre jours après son hospitalisation en Arabie saoudite, le porte-parole de la présidence, Ike Ngouoni, affirmait que le chef de l’Etat avait eu “un malaise” dû à une “fatigue sévère” en raison d’une très forte activité ces dernier mois.
Depuis, plus rien. Un silence de dix jours qui inquiète de nombreux Gabonais.
L’hôpital du roi Fayçal à Ryad où avait été admis Ali Bongo le 24 octobre, s’est refusé à tout commentaire. A un journaliste de l’AFP qui s’y est rendu mercredi, il a été répondu que pour toute information concernant le président, il fallait un “ordre royal” ou bien une autorisation de l’ambassade du Gabon.
“Nous n’avons pas assez d’informations”, note Ange-Gaël Makaya Makaya, étudiant à l’Université Omar Bongo de Libreville, pour qui, du coup, les Gabonais “spéculent trop” sur les réseaux sociaux ou dans leurs conversations.
On parle de mise en sommeil artificiel du président, d’un accident vasculaire cérébral (AVC), de son transfert dans un hôpital de Paris ou Londres, sans preuves.
“Les réseaux sociaux ne sont pas un baromètre de l’état d’esprit des Gabonais”, estime M. Makaya Makaya. “La tradition chez nous veut qu’on ne souhaite pas la mort de quelqu’un, surtout lorsqu’il s’agit d’un dirigeant”.
Mais comme le reconnaît un diplomate, “la communication officielle n’a pas épargné les doutes”.
Une communication “verrouillée”, selon un journaliste gabonais qui, sous couvert d’anonymat, ajoute: “seul un cercle très restreint qui comprend la femme du président, Sylvia Bongo, a accès aux informations”.
L’incertitude sur l’état de santé du président, commence aussi à préoccuper les milieux économiques.
“Un dirigeant d’entreprise gabonais me confiait qu’il entendait ralentir certains projets dans lesquels il était engagé financièrement”, affirme l’économiste gabonais Mays Mouissi.
Le précédent Omar Bongo
Et selon le cadre d’une multinationale présente au Gabon, localement “les affaires n’ont pas stoppé, mais mes dirigeants à l’international doivent avoir un oeil sur le déroulement des événements”.
Les Gabonais ont en mémoire le black-out autour de la maladie du père d’Ali, le président Omar Bongo auquel il a succédé et qui, en 2009, gravement malade, avait été transféré à Barcelone.
Sa mort, annoncée publiquement le 8 juin 2009, avait été révélée la veille par un hebdomadaire français, mais démentie par le Premier ministre d’alors, Jean Eyeghe Ndong.
Ali Bongo est toujours officiellement attendu à Paris le 11 novembre à l’occasion du centenaire de la fin de la première guerre mondiale, selon une source diplomatique française.
Une possible vacance du pouvoir du président de la République doit être constatée par la Cour constitutionnelle, saisie par le gouvernement ou des bureaux du Parlement (Sénat et Assemblée nationale), selon la constitution gabonaise.
Le président du Sénat assure alors l’intérim jusqu’à l’organisation d’une élection présidentielle dans un délai maximum de 45 jours.
Mais en attendant, “personne ne sait ce qui se passe vraiment”, selon un proche de la famille Bongo. “C’est comme dans un avion avant le crash”, ajoute un militant du Parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir.
Un pouvoir aujourd’hui divisé autour de deux clans, selon un observateur politique.
“Un +clan des durs+ rassemble plusieurs généraux et conseilleurs autour de Frédéric Bongo, le frère du président et chef des services de renseignements. Il s’oppose au clan rassemblant le directeur de cabinet Brice Laccruche, la première dame et des membres du Mouvement des amis d’Ali Bongo Ondimba (Mogabo)”, affirme-t-il.
Sans jamais citer le nom du président Bongo, l’opposant Jean Ping, candidat malheureux à la présidentielle de 2016 qui se proclame toujours “président élu”, est sorti samedi de plusieurs mois de silence pour appeler au “rassemblement”.
Voaafrique avec AFP