Contribution
Pour qui Me Wade prend-il les Sénégalais ? Du bétail électoral ou des moutons de Panurge ? Pourquoi ne fait-il pas son autocritique pour pieusement admettre une bonne fois pour toutes, que c’est le peuple sénégalais qui l’a sans aucune contrainte aimé, adoré, adoubé au point de lui faire l’honneur de le porter à la magistrature suprême au soir du 19 mars 2000. Ne faudrait-il pas qu’il s’en souvienne ? Ou alors faudrait-il le lui rappeler et surtout le lui faire admettre ? Ou y avait-il un leader d’opinion ou un directeur de conscience qui aurait astucieusement réussi à imposer le visage et l’image de Wade à la volonté populaire des Sénégalais ? Certainement pas ! Alors, pourquoi s’entête-t-il à vouloir leur imposer son fils ? Quand comprendra-t-il que seul le peuple est souverain ? Pourquoi s’obstine-t-il, contre vents et marées, à vouloir dire aux Sénégalais : c’est mon fils et personne d’autre ? L’option préférentielle de l’ancien président et son acharnement à porter son fils à la tête du Sénégal participent-ils à faire avancer la démocratie interne au Pds et au Sénégal ? Ne donne-t-il pas raison à Ousmane Ngom qui, au lendemain de leur déchirante rupture, lui faisait ce cinglant reproche : «Vous parlez en démocrate et agissez en monarque» ?
Ancien du Parti socialiste, Me Wade créa le Parti démocratique sénégalais et en fit, non pas un parti d’opposition mais de contribution en 1974. Il conviendrait de se rappeler avec objectivité, que Wade opposant n’a jamais été le plus farouche, ni le plus exemplaire, encore moins le plus républicain. Pour beaucoup d’ailleurs, il ne fut point un opposant modèle. De quoi pouvait-il plus se prévaloir que Cheikh Anta Diop ? N’empêche, les Sénégalais l’adoptèrent, l’aimèrent, l’adorèrent, l’adoubèrent et firent de lui leur troisième président surtout au moment où il s’y attendait le moins. Aurait-il tout oublié ou prend-il les Sénégalais pour des amnésiques ?
N’avait-il pas auparavant pris une année sabbatique pour se retirer en France ? Sa candidature unique pour l’opposition ne fut-elle pas d’abord théorisée, puis proposée, portée, défendue et fermement soutenue par Landing Savané, Abdoulaye Bathily et Amath Dansokho ? Qu’en serait-il sans leur renoncement volontaire à leurs candidatures respectives pour mieux légitimer et donner plus de chances de succès à celle de Wade-père ?
Voilà la mentalité de l’homme à qui le peuple a tout confié, tout donné. C’est mon fils, rien que mon fils, semble-t-il lui dire. Mais pourquoi veut-il coûte que coûte conditionner la tenue de l’élection présidentielle de 2019 à la candidature de son fils ? Pourquoi refuse-t-il de s’en remettre à la volonté divine ? Où était son fils pendant qu’il enflammait les écoles et les universités, faisant inhaler le gaz lacrymogène aux fils des pauvres ? Où était-il pendant les longues et cycliques grèves ayant regrettablement conduit à l’année blanche en 1988 et à l’année invalidée en 1994 ? Où était-il pendant qu’il faisait des allers-retours intrigants dans le gouvernement du président Diouf ? Pourquoi seul son fils le préoccupe ?
Beaucoup d’étrangers (des Africains en particulier) rient et se moquent de l’ancien président, si prompt à donner des leçons de démocratie aux autres. Personne ne le croyait capable d’un projet de dévolution monarchique. Nul n’aurait parié que Wade-père oserait pousser l’outrecuidance aussi loin, foulant au pied et sacrifiant ses plus fidèles pour l’unique intérêt de son fils qu’il croit plus beau, plus intelligent, plus compétent que tout autre Sénégalais. Héla ! Mais il convient d’avouer que c’est révoltant, inadmissible, triste, pathétique ! Fara Ndiaye, Serigne Diop, Ousmane Ngom, Jean Paul Dias, Idrissa Seck, Macky Sall, Souleymane Ndéné Ndiaye, Modou Diagne Fada, Madické Niang (pour ne citer que ceux-là) ont tous commis le crime d’avoir, juste un moment, manifesté leur ambition présidentielle.
Y aurait-il un Ange divin pour ramener Me Wade à la raison ? Qui de ses plus proches pourrait-il le convaincre à l’esprit républicain et au respect des institutions ? Ou alors prions, pour que les alizés et la mousson qui balaient périodiquement Dakar soient sources de sagesse pour celui qui aurait dû être un repère, une référence, une icône, un patriarche ? Mais qui malheureusement semble creuser sa tombe dans le tribunal de conscience populaire ! Dommage !
Samuel SENE