Professeurs et syndicalistes se posent la question et attendent mieux
Alors que l’Etat n’a toujours pas la situation des sommes versées par les différents établissements pour la prise en charge des élèves dont aucun n’en a bénéficié, un autre recouvrement a démarré avec des procédés dignes d’une tontine. Professeurs et syndicalistes sont inquiets et interpellent.
La Couverture maladie universelle pour les élèves des écoles publiques et privées, lancée en grande pompe en avril dernier, sera effective dès cette rentrée scolaire. Mais, déjà, les agents de l’Agence de la couverture maladie universelle font le tour des écoles du Sénégal pour récupérer les frais d’inscription au service dans les différents établissements. Ils viennent rencontrer les Principaux, Directeurs et Proviseurs pour discuter des modalités de versements des fonds. Pour cela, ils déposent un ensemble de papiers dans les écoles et donnent un délai très court pour récupérer les fonds. Mais, une fois ces agents partis, c’est la discussion dans bon nombre d’écoles. A Rufisque, le débat alimente les salles des professeurs où beaucoup crient à «l’arnaque» et à «un vol organisé».
Si l’ensemble des interlocuteurs reconnaissent la nécessité de cette réforme et en soulignent les avantages incontestables, notamment en ce qu’elle améliore l’accès aux soins de santé pour les plus démunis, il n’en demeure pas moins que bon nombre d’entre eux restent sceptiques. Pour ce proviseur d’un lycée de Rufisque qui requiert l’anonymat, l’année dernière, son établissement a fourni beaucoup d’argent à l’agence. Cette année encore, alors qu’il n’a pas reçu le point sur l’utilisation des sommes versées, on lui demande de verser encore. «Je ne peux donner la somme globale, mais c’est 1 000 francs pour environ plus de 3000 enfants. Durant l’année scolaire 2018, aucun de nos enfants n’a bénéficié de cette couverture maladie. Tous ceux qui étaient malades se sont soignés eux-mêmes. Nous ne faisons que verser des sommes. Et puis, c’est tout», déplore ce chef d’établissement.
Dans un autre collège, l’affaire défraie la chronique. La fiche d’information sur la prise en charge médicale des élèves à travers les mutuelles de santé en main, les professeurs disent ne rien comprendre du système. «Demander à un élève qui a du mal à s’inscrire, à payer ses fournitures, de payer 1 000 à 3 500 francs pour se soigner chaque année, ce n’est pas normal. Il est vrai que la santé est une priorité. Mais on a comme l’impression qu’elle est privatisée dans nos écoles. L’Etat n’est-il pas en train de fuir ses responsabilités ?», s’interroge cet enseignant.
Abdou Faty du Syndicat des enseignants libres/A est catégorique. Pour lui, c’est une arnaque. «Pourquoi ne pas évaluer les fonds remis l’année dernière à l’Agence avant de réclamer autre chose aux écoles ? Nous savons que beaucoup d’enfants qui s’étaient pourtant bien acquittés de leurs cotisations n’ont reçu aucune aide, n’ont bénéficié d’aucun soin de la Cmu-Elèves. Nous pensons que nous assistons à une arnaque. Mais à qui profite cette arnaque ?», se demande Abdou Faty, secrétaire général du Sels/A.
La Cmu-élèves est un mécanisme de prévention du risque-maladie basé sur un régime contributif de prise en charge médicale des élèves des cycles élémentaire, moyen et secondaire du Sénégal au niveau des postes de santé, des centres de santé, des hôpitaux et des officines pharmaceutiques par le biais des mutuelles de santé. Ce régime de prise en charge, subventionné par l’Etat et encadré par le ministère de la Santé et de l’Action sociale à travers la Couverture maladie universelle (Cmu) et le ministère de l’Education nationale dans le cadre du Programme d’amélioration de la qualité de l’équité et de la transparence (Paquet), est mis en place par arrêté interministériel. Il est obligatoire, même si les autorités disent le contraire.
Najib SAGNA