Asphyxiés par les taxes, prélèvements instaurés par le gouvernement et la hausse des prix des intrants, les trois cimentiers ont fini par défier le ministre du Commerce qui avait bloqué leur première tentative d’ajustement des prix en juin.
Revenus à la charge, ils ont décidé, unilatéralement, de procéder à une hausse du prix de la tonne de ciment. Un coup de gonflette de 3 mille à 3500 francs qui révèle les carences de l’administration des prix dans une économie libérale.
Ils l’ont fait. Les trois cimentiers sénégalais (Sococim, Ciments du Sahel et Dangote) ont eu l’audace de procéder à une hausse unilatérale des prix de la tonne. Sans l’autorisation du ministère du Commerce. En effet, après leur première tentative du mois de juin dernier, les trois industries du pays sont revenues à la charge pour forcer leurs tarifs aux populations sans le consentement ( ?) du ministre du Commerce, Alioune Sarr qui leur avait fait barrage et qui se serait résigné à dire que cette fois-ci c’est inéluctable. Car, l’Etat impose une nouvelle taxe dans le secteur des Mines en pleine année fiscale et les prix des intrants sont en train de grimper à un rythme insoutenable pour ces industries.
Impuissant face à ces réalités dans le secteur, Alioune Sarr semble fermer les yeux, contrairement à son intransigeance d’alors. Aphone jusqu’ici, il semble montrer une souplesse devant cette réalité du marché qui démontre les contradictions de l’administration des prix dans une économie libérale. Car, il est inconcevable que ces industries vendent à perte, comme l’interdit d’ailleurs la loi. Et, il y a de fortes craintes que cette nouvelle donne dans le secteur freine l’élan des acteurs de la truelle. Une stagnation de la consommation qui ralentirait la demande. Ce qui causerait un manque à gagner à l’Etat en termes d’impôts et taxes.
Mais si l’Etat laisse passer sans piper mot cette hausse unilatérale, il risque de donner des idées à d’autres. Car, des secteurs, où la main invisible n’agit pas pour réguler les prix, peuvent se concerter et procéder à un réajustement des prix de vente de leurs produits. Pis, cela peut donner des idées aux industriels qui fabriquent des produits homologués par l’Etat Père-Noël comme la minoterie malgré la suroffre de farine, le riz qui souffre d’une mévente de la production locale, la filière tomate qui accueille le géant japonais Kagome ou encore le sucre avec la Compagnie sucrière sénégalaise (Css) interdite de hausse quand les prix flambent sur le marché international mais qui est emmerdée lorsque les cours chutent drastiquement et que les commerçants réclament des autorisations d’importations pour bien se sucrer. Cette frange du secteur productif pourrait se dire qu’il est grand temps qu’on laisse faire la vérité des prix, comme cela doit être dans un régime libéral.
Si ces cimentiers n’ont pu tenir face à la hausse des intrants, il est clair que les pétroliers non plus ne pourront le faire avec la remontée spectaculaire du prix du baril. Une flambée que la géopolitique actuelle promet de doper, avec notamment les récriminations des Usa contre l’Iran d’un côté et les menaces de Trump contre l’Arabie Saoudite d’un autre. Et l’Etat du Sénégal, qui fait face à des tensions de trésorerie malgré son leverage sur le marché financier, ne pourra continuer à contenir les prix à la pompe par des subventions à hauteur de 150 milliards pour maintenir les prix à leur niveau. Il sera obligé, après les élections, de lâcher comme le préconise le Fonds monétaire international (Fmi) qui est toujours sur son dos (voir par ailleurs). Les gouvernants seront obligés de dire la vérité aux Sénégalais. Car, si une augmentation n’est jamais heureuse, il faut reconnaître que nous ne sommes pas seul au monde et que les réalités de la planète font que si les choses doivent bouger, il est illusoire à n’importe quel chef d’Etat de tenter d’arrêter la mer avec ses bras. Dans les pays voisins, la Guinée et la Côte d’Ivoire notamment, les gouvernements ont pris leur courage à deux mains pour annoncer la mauvaise nouvelle.
A force de tenir contre cette hausse du fuel, les entreprises sénégalaises ne pourront pas faire de nouveaux investissements, ni recruter ou faire des provisions pour renouvellement de l’outillage et du matériel de production. Et pour certaines d’entre elles, la guérilla des cimentiers est une aubaine qui démontre l’inutilité du ministère du Commerce.
Seyni DIOP