L’ex-fils putatif d’Abdoulaye Wade, Idrissa Seck, et le désormais ex-homme de confiance du pape du Sopi, Madické Niang, ont ceci en commun de partager le même sort.
Ainsi, pour l’un comme l’autre, c’est Wade lui-même qui a suscité en eux et entretenu leur ambition d’aller à la conquête du pouvoir, avant de les lâcher sans ménagement.
Quand Abdoulaye Wade assurait en 2012 à Madické Niang qu’il était, dans son entourage, «la personne la mieux indiquée pour reconquérir le pouvoir», il était, sans doute, sincère. Il venait de perdre le pouvoir et ne pensait alors qu’à accompagner son successeur Macky Sall. Avant d’effectuer cette Oumra en compagnie de son homme de confiance, n’avait-il pas formellement mis en garde ses partisans contre toute tentative de mettre des bâtons dans les roues au président de la seconde alternance politique ? En ce moment, son fils biologique, Karim, encore sous le choc de la débâcle enregistrée par son candidat de père et qui avait perdu ses dernières illusions de succéder à ce dernier au Palais de l’avenue Roume, n’avait d’autres perspectives que de reprendre ses activités de banquier.
De la manière, lorsque le président nouvellement élu Abdoulaye Wade assurait à Idrissa Seck qu’il était le moins mauvais parmi ses potentiels successeurs et qu’il devait se préparer en conséquence à prendre sa relève, il y croyait certainement. On était en 2001-2002 et l’entente était au beau fixe entre le Pape du Sopi et son fils putatif, malgré le retour au bercail du fils biologique. Non seulement ce dernier qui venait d’être «rapatrié» par son père à la demande expresse de ses alliés n’avait alors une once d’ambition présidentielle, mais son pater ne cessait de répéter qu’il le dissuaderait de descendre dans l’arène politique pour lui éviter de vivre à son tour les désagréments qu’il a connus dans sa longue vie d’opposant.
Ainsi, pour Madické Niang aujourd’hui comme pour Idrissa Seck hier, c’est Abdoulaye Wade lui-même qui a suscité et entretenu leur ambition d’aller à la conquête du pouvoir. C’est lui qui leur a insufflé la confiance qu’ils avaient de fortes chances de réussir dans cette entreprise. Avant de les lâcher et les diaboliser. C’est parce qu’ils l’ont pris aux mots, que l’un et l’autre se sont préparés en conséquence. Ainsi, de 2002 à 2003, pour mettre en pratique les enseignements du maître, Idrissa Seck s’est évertué à se constituer une garde prétorienne avec autour de lui les Macky Sall (qui le lâchera dès les prémices même de sa disgrâce), Oumar Guèye, Pape Diouf, Oumar Sarr, Awa Guèye Kébé, Yankhoba Diattara et autres de ses fidèles lieutenants. Alors que Madické Niang a peaufiné, entre 2012 et 2018, son réseau de relations dans toutes les familles religieuses, mais également dans toute la classe politique, et surtout son image d’homme de consensus en prévision de la mère des batailles.
C’est au moment où ils s’y attendaient le moins qu’Abdoulaye Wade leur a lâchés. Si avec Madické, ce lâchage s’est fait de manière plus ou moins feutrée, sans être sous-tendue par une vaste campagne de dénigrement dont les libéraux ont le secret, pour Idrissa Seck, par contre, ce fut l’enfer après que la chasse à courre eut été lancée, depuis le King Fahd Palace, par son protégé Macky Sall qui lui a succédé à la Primature. Madické Niang a semblé oublier que le contexte de 2012 où le pape du Sopi lui donnait son absolution et celui de 2018 ne sont pas les mêmes. Puisqu’entre temps, le président Macky Sall a fait du fils biologique d’Abdoulaye Wade un martyr. Il l’a matraqué, puis traqué, avant de l’envoyer en prison pendant trois longues années et d’essayer de l’humilier lors d’un procès politique devant une juridiction d’exception qui ignore toutes les règles de droit garantissant un procès équitable (non renversement de la charge de la preuve et double degré de juridiction en particulier). Alors qu’Idrissa Seck a été victime de son éloignement de la sphère présidentielle en acceptant de migrer à la Primature, mais aussi de son obsession à se constituer un «budget de guerre» tiré du butin dont il se disputait avec Wade, en vue de réaliser les prédictions du maître. Se faisant, non seulement, il a permis à Karim Wade d’occuper le vide qu’il a laissé auprès de son père et d’avoir l’oreille de ce dernier, mais surtout cette proximité qu’il n’avait jamais eue au préalable avec son géniteur a suscité en lui des ambitions présidentielles à l’origine de la naissance de la Génération du concret. Idrissa Seck a payé pour cela, chassé qu’il a été de la maison du père, puis jeté en prison et Madické Niang en fait de même, contraint à démissionner de la présidence du groupe parlementaire Liberté et démocratie, avant sa prochaine exclusion du Pds. Il vit ainsi le syndrome Idrissa Seck après s’être tant sacrifié pour celui qu’il appelle sa référence et pour sa famille.
Seyni DIOP