Le débat politique amorce un virage dangereux. Entre la supposée appartenance de Sonko à la mouvance salafiste, voire djihadiste pro-Daesh, et les accusations du même quant à la responsabilité du pouvoir dans le crime commis sur une de ses militantes, l’électeur est pris dans un tel tourbillon que son choix s’en trouve brouillé.
Tout avait bien démarré depuis que le leader de Pastef-Les patriotes a publié son ouvrage-programmes intitulé Solutions, sorte de compilation des mesures qu’il entend entreprendre s’il est élu à la magistrature suprême pour mettre le Sénégal sur les rails du développement. A la place d’un show à l’américaine avec trash et paillettes, l’ancien inspecteur des impôts la joue sobre. Devant un parterre d’invités et de journalistes triés sur le volet, il décortique les mesures-phares de son programme. Le lendemain, des spécialistes comme El Hadji Ibrahima Sall, ancien ministre du Plan, tout en saluant la démarche, retoquent le programme de Sonko sur certains de ses aspects. S’instaure alors un débat de sachants qui, chacun selon sa sensibilité propre, lui portent la réplique, lui opposent l’inopportunité ou la non faisabilité de telle ou telle mesure. Un débat civilisé, comme on en voit dans les grandes démocraties que sont la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, etc. Et comme on aimerait en avoir à chaque veille de compétition électorale pour permettre à l’électeur de choisir sur des bases objectives celui qu’il croit être le mieux apte à traduire en actes ses espoirs de bien-être. Mais, certains esprits, du pouvoir notamment, profitant d’une boulette de Cheikh Yérim Seck sur la foi de Sonko et sur son ménage, tirent sur la corde sensible. Sonko est accusé de promouvoir l’islamisme radical. Et pour s’en défendre, il multiplie les sorties, donnant ainsi l’occasion à ceux qui ne voulaient pas d’un débat programmatique de le dévier de sa trajectoire. Hélas, le leader de Pastef tombe dans le panneau, que dis-je, dans le caniveau. Et pour ne rien arranger, samedi dernier, une de ses militantes, de retour d’un meeting que lui-même présidait, est tuée dans sa chambre. Réagissant sur le feu de l’action, Sonko accuse le pouvoir d’être derrière le meurtre. Le procureur de Pikine, avec force détails, prend son contrepied et rejette le mobile politique de l’infraction. Le ver est dans le fruit.
Hier et avant-hier, les journaux en ligne publient des photos d’un Ousmane Sonko faisant le tour des foyers religieux, claquant des baisemains par ci, se prosternant par là. L’objectif de communication voulu étant de montrer qu’il n’est pas le salafiste allergique aux confréries dont ses thuriféraires décrivent. Mais, ben, qu’il est Tartempion, Monsieur tout le monde, quoi. Et pourtant, c’est parce qu’il ne faisait pas comme tout le monde que son discours avait commencé à séduire, jusque dans les chaumières. Le débat sur la fiscalité des salaires des députés, c’est lui. Celui sur la transparence dans la gestion des ressources pétrolières et gazières, c’est aussi lui. Et son style avait commencé à faire des émules. Dernièrement, l’ancien Directeur général des douanes, lui-même candidat à la candidature, s’en est pris au budget dont il dit douter de la sincérité. «Ils sont dans l’arnaque totale. Ils dégagent un budget prévisionnel qui est de l’ordre de 4 000 milliards. Ils font beaucoup de publicité autour des montants, mais en réalité ce sont des montants fictifs», analyse l’ancien proche collaborateur de Karim Wade. Qui ajoute : «Ils font des coupes budgétaires, bloquent certaines dépenses notamment le paiement des fournisseurs, en attendant la fin de l’année. Ce n’est pas un problème de trésorerie qui se pose, mais un manque de sincérité.» Qu’il ait raison ou pas n’est pas l’objet du propos. Ce qui est à retenir, c’est qu’il nous sort des suppliques personnelles classiques et des joutes orales de second degré. Mais, chassez le naturel, il revient au galop !
Ibrahima ANNE