Le pouvoir voudrait-il tailler un costume de Président à Ousmane Sonko qu’il s’y prendrait autrement. Depuis que le leader de Pastef a publié ses Solutions, c’est le branle-bas de combat au niveau de la majorité où on rivalise d’arguments subjectifs pour le faire passer pour le monstre islamiste barbu, ibadou et marié à des femmes voilées pour lequel il ne faudrait pas voter. Un angle d’attaque qui risque d’être contre-productif. Comment fabriquer un Président. Présidentiable : mode d’emploi. Ce pourrait être le titre du feuilleton que les apéristes sont en train de dérouler depuis que, candidat déclaré à la présidentielle, Ousmane Sonko a publié ses Solutions pour, ambitionne-t-il, faire plus et mieux que Macky Sall. Alors que l’on s’attendait à une riposte thématique à la hauteur de l’affront livresque du leader de Pastef, des zélés du pouvoir se sont cru en devoir, dans une logorrhée sans nom, de puiser dans l’irrationnel voire dans l’imaginaire, pour échafauder un argumentaire qui fleure bon le caniveau. Ne pouvant pas lui porter la réplique sur ce qu’il pense être ses Solutions pour sortir le Sénégal de l’ornière du sous-développement et les Sénégalais, de la pauvreté, certains affidés du pouvoir puisent dans le registre de la religion pour, escomptent-ils, freiner l’envol de Sonko.
On était, pourtant, en droit d’espérer un échange d’un autre calibre. Pour une fois que le débat portait sur les idées plutôt que sur les personnes (fiscalité, ressources naturelles, etc.), beaucoup d’intellectuels avaient applaudi. Mais, c’était sans compter avec l’épaisseur papier à cigarette de certains fanfarons de la majorité. «Sonko est ibadou» ; «Il a deux femmes voilées» et tutti quanti. Comme si, être ibadou ou avoir
des épouses voilées était un crime sous nos cieux. Faible comme contre-attaque face à la déferlante Sonko
que, s’ils étaient autorisés à la publication, les sondages auraient crédité d’un taux honorable, pour une
toute première participation à une élection présidentielle.
Mais, rien de nouveau sous le ciel. Tout se passe, en effet, comme si, depuis le début de l’aventure, le
pouvoir, sciemment ou inconsciemment, voulait tailler un costume présidentiel à Ousmane Sonko. Ce fut,
d’abord, cette affaire de fiscalité sur les salaires des députés que d’aucuns ne voudraient jamais sue.
Majorité et opposition parlementaires sont dans leurs petits souliers lorsque l’encore inspecteur des impôts
révèle que nos «honorables» députés n’acquitteraient que des miettes sur leurs consistants revenus
mensuels qui feraient tomber en syncope Gorgorlou. Ayant le vent en poupe, celui que beaucoup de
Sénégalais ne connaissaient pas encore embraie sur la nébuleuse autour des contrats pétroliers. Et révèle
que le frère du Président a les deux mains trempées dans le mazout. Alors que, pour les deux cas, un
simple démenti aurait pu suffire et que, dans une démocratie respectable, on pouvait s’attendre, au moins,
à des commissions d’enquête parlementaire pour y voir clair, le pouvoir initie une procédure de révocation contre le fonctionnaire indélicat. Un décret en bonne et due forme l’expurge des effectifs de la Fonction publique.
Cacophonie
Sauf que, parallèlement à ses déboires professionnels, son parti creuse son sillon dans le landerneau. Son nom et son aura prennent l’ascenseur. Seul, sans coalition et malgré les cafouillages notés lors des
législatives, le banni de la Fonction publique est élu député. Une réhabilitation populaire pour le pestiféré
Ousmane Sonko qui, n’en déplaise à ses détracteurs, va arborer la cocarde tricolore.
Et alors que, au meilleur des cas, les prévisionnistes de la météo politique lui prédisaient une place dans le
quarté gagnant de la Présidentielle, voilà que la majorité, dans une communication maladroite parce que basée sur des éléments subjectifs et relevant de la sphère privée, sont en train de lui fabriquer un marchepied pour le Palais de Senghor. Dans un entretien accordé à Vox Populi, mardi dernier, le directeur
général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud), Cheikh Oumar Anne, lui enjoint de clarifier
ses positions religieuses et de s’expliquer sur les raisons de son absence aux funérailles de Bruno Diatta.
Cheikh Oumar Anne en a déduit, sans attendre la réponse, que son absence serait liée à son obédience
islamiste qui lui interdirait d’assister aux funérailles de chrétiens. Mince ! Une position qui n’est pas
partagée par un autre éminent membre de la majorité. «Nul n’a le droit de condamner un compatriote pour
ce qu’il est ou ce qu’il n’est pas, religieusement parlant. Le débat doit se situer sur les politiques
économiques et sociales mises en œuvre ou proposées», recadre le chef de cabinet du président de la République, Moustapha Diakhaté. Une cacophonie dans le cas du pouvoir au moment où, tel Mozart, Sonko, avec l’aide irréfléchie de ses adversaires, est en train de mettre la dernière note à une symphonie qui chantera son ascension vers les cimes du pouvoir.
Ibrahima ANNE