CONTRIBUTION
Au cours de la campagne des élections locales du 29 juin 2014, menée, au pas de charge, l’actuel maire de Mbacké avait développé un discours, à la limite même populiste qui a, tout de même, séduit des segments entiers de population qui expriment une aspiration irrépressible au changement de gouvernance locale.
Un langage situé tout à fait aux antipodes de la langue de bois et des clichés stéréotypes, avait attiré au candidat de «Jamm ag xeewel» un vaste élan de sympathie qui s’est, vite, transformé en un vote à l’allure presque plébiscitaire. Entre autres propos attractifs, le candidat «new-look» déclarait : «Sous mon magistère, la CL sera gérée selon des critères de transparence à tous les niveaux. La commune deviendra une maison de verre à travers laquelle tout citoyen, où qu’il puisse se trouver, pourrait entrevoir tout ce qui se fait à l’intérieur. Je sécuriserai l’argent public du citoyen de manière à ce que le moindre franc, produit de la sueur du contribuable, sera géré et dépensé selon un mode de transparence qui reproduit exactement la traçabilité de la gestion de ressources publiques. J’aménagerai des dispositions contractuelles de façon à ce que la population puisse exercer ses prérogatives de contrôle citoyen sur les affaires et élus locaux à partir des conseils de quartier et des conseils consultatifs qui serviront de forteresse inexpugnable pour conjurer les dérives autoritaires».
A quelques encablures seulement du renouvellement des mandats électifs, ce discours lénifiant reste encore une phraséologie creuse qui a du mal à embrayer sur le réel. Certes, l’alternance est intervenue à la tête de la municipalité, ce qui est déjà une avancée significative mais, l’alternative aux anciennes politiques reste encore une conquête à réaliser. En d’autres termes, les fruits du 29 juin 2019 n’ont pas encore tenu la promesse des fleurs du 29 juin 2014.
S’il fallait se référer au compte administratif qui devrait être examiné obligatoirement avec le compte de gestion annuelle, transmis par le comptable public, mais, finalement, retiré du circuit, la gestion du maire de Mbacké a fait l’effet plutôt d’une bombe à fragmentations qui a tout ravagé sur son passage. Le maire de la ville a détroussé du budget de la sante, sans la moindre précaution de style, 5 000 000 (451/6130) consacrés à la maintenance des véhicules du centre de santé. Débusqué très tôt, grâce au mouvement citoyen «Mbàkke cilaa Bokk», le maire sert une réplique tirée par les cheveux, selon laquelle «il a consacré l’enveloppe à la peinture des murs des postes de santé de Diamaguene et Mbacké dimb».
Le maire de la ville a, également, opéré, d’autorité, une coupe sombre de 2 000 000 F sur le carburant d’évacuation de sanitaire qui a subi ainsi, une réduction drastique chutant de 5 000 000 à 3 000 000. Accusé, au détour d’un plateau, à Bennoo Fm, par M. Tamsir Diagne, d’avoir subtilisé les fonds de secours (4 000 000 / 313/64510) le premier magistrat fait des aveux circonstanciés : «J’ai retiré, des mains du comptable de la CL, les fonds de secours dont j’ai confié la garde à la 3ème adjointe au maire Gnagna Kane.» Et la suite concernant le 509/612. 2 000 000 F (habillement du personnel), les employés municipaux sonnent l’alerte pour n’avoir pas reçu les tenues de travail depuis l’arrivée du nouveau maire.
Au 451/655, concernant 1 000 000 F affectés aux besoins en formation des personnels de la santé, le maire prétend avoir réalloué l’enveloppe pour l’acquisition de fournitures de bureau à la demande du médecin chef de district, c’est tout de même surprenant pour des dépenses qui ont revêtu l’autorité de la chose déjà délibérée. Au 703/220523, le maire fait cas d’une dépense de 4 100 000 pour la pose de deux bouches d’incendie au marché central. En sa qualité de travailleur au marché, membre de la mouvance politique du maire, le conseiller municipal Cheikh Diop dément formellement : «Il n’existe aucune bouche d’incendie au marché central.»
Au 381/6222 «curage de canal», le maire a ordonnancé une dépense de 7 000 000 F là où l’équipe précédente prévoyait 700 000 Ttc. Interrogé par le conseiller municipal Abdou Karim Guèye à propos d’un financement prétendu de 16 000 000 F pour la mise en place d’un plan communal de développement, le maire nie et parle plutôt d’un concours financier de 2 000 000 F provenant de l’Union européenne, sans toutefois préciser l’usage fait de cet argent.
Sur les fonds de dotation et de concours de 2018, le maire a fait des prévisions de dépenses dont la traçabilité sur le terrain est sujette à caution. Il s’agit de 7 000 000 F (mur de clôture) ; 6 000 000 F (construction de mur de clôture) ; 9 200 000 F (construction de pavillons sanitaires), 4 00 000 F (réfection du centre de santé) où les lignes n’ont pas encore bougé, à l’exception d’une peinture à l’eau de la façade de sud et de quelques pans de mur intérieur. Etant entendu que le conseil municipal n’en sait pas grand chose, que le maire indique alors à la population souveraine la localisation exacte des sites de construction des travaux ?
Que le maire nous édifie également sur les bases à partir desquelles il a procédé à l’évaluation des coûts des travaux dès lors qu’il n’a pas présenté de devis estimatifs ni même des plans au conseil de la CL comme en disposent des textes du CGCL ? «Toutes constructions nouvelles ou reconstructions, pour le compte de la CL doit faire l’objet de plan et devis mis à la disposition du conseil de la CL.»
Le rapport du maire au foncier est des plus exécrables. L’édile local se comporte comme un véritable Lamane (propriétaire terrien), qui exerce des attributs de droit divin, en toute impunité, sur les terrains du domaine national et les réserves foncières qu’il déclassifie, morcelle et cède comme de petits pains. Et, ce, en violation des dispositions du décret 961130 pris en application de la loi 9606 créant la commission d’attribution des terrains domaniaux. En atteste la levée de boucliers des élus locaux qui ont vivement protesté, à l’occasion du dernier conseil municipal, contre les abus du maire et contre ses pratiques de spoliations et de prédations foncières sur des terrains et des réserves foncières, sises au Cdaf, à Mbacké Dimb, à Mbacké Khewar et au domaine ferroviaire.
Le maire a fait un détournement de pouvoir en déguerpissant, manu militari Mady Diongue, d’un terrain qu’il (le maire) convoitait dans les emprises immédiates du domaine ferroviaire. La forfaiture ainsi, accomplie, le maire se fait conventionner, par le liquidateur du chemin de fer, ledit terrain à propos duquel il a conclu des transactions suspectes avec un homme d’affaires kaolackois pour usage de station-service. Malgré la délibération de résiliation du contrat frauduleux sur la gare routière, adoptée le 4 février 2015, le maire reconduit, sous la manche, la convention scélérate qui procure au prétendu repreneur une manne financière indue de 24 000 000 F sans la moindre contrepartie pour le budget de la collectivité locale.
Le maire de la ville dissimule la stricte vérité sur la situation financière de la commune qui accuse un déficit budgétaire de l’ordre de plusieurs dizaines de millions qui plombent durablement son fonctionnement. Le maire de Mbacké est déclaré persona non grata auprès de la quasi-majorité des entrepreneurs et des fournisseurs qui ont résilié leur contrat pour des arriérés de règlements d’engagements impayés pour cause d’indisponibilité de fonds propres. La municipalité est panne sèche de carburant nonobstant une dotation annuelle, de 30 000 000 F ainsi repartie : 313/6130 – cabinet du maire : 10 000 000 F ; 313/401 – ateliers et garages 20 000 000 F. La gestion de cette enveloppe ne laisse la moindre trace au niveau de la comptabilité-matière.
Les rares foyers lumineux existants fonctionnent à feux continus en l’absence d’un contacteur dont le prix (80 000 F) est, pour le moins, dérisoire rapporté à la prévision de dépenses de 31 000 000 F pour l’entretien du réseau électrique (421/633715 : 16 000 000 F et 702/ 221621 : 15 000 000 F.
Le parc de véhicule de la commune, y compris les véhicules de fonction du maire et de son 1er adjoint, est en souffrance, depuis bientôt un an, chez l’entrepreneur-mécanicien de la mairie qui garde la haute main sur tous les marchés et ce, en dépit des prévisions de dépenses ordonnancées comme suit : carburant 15 000 000 F (401/63140 ), entretiens véhicules et engins 8 500 000 F (401/633715), pièces et matériel de rechange 8 500 000 F (401/633716 ) ; 221/6303 pneumatiques : 2 000 000 F ; location de véhicules 15 000 000 F (391/6304), location matériel de terrassement et engins 10 580 000 F (391/6304.)
Si, malgré tout, le maire de Mbacké devait s’en tirer à si bon compte, on pourrait alors présumer que les dispositions à la base de la radiation du maire de Dakar ne sont que des prêts à porter ou même des camisoles de force taillées à la mesure d’un adversaire politique dont la candidature donne le tournis.
Youssou BABOU
Instituteur de classe exceptionnelle à la retraite
Ancien adjoint au Maire de Mbacké
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