Comment une erreur du parquet a fait capoter le procès
Accusés de trafic de faux billets, Baba Ndiaye alias Ngaaka Blindé et Khadim Thiam ont vu leur procès reporté jusqu’au 18 septembre. La compétence de la Chambre criminelle de Dakar à connaître de cette affaire en est la cause.
Placés sous mandat de dépôt en décembre 2017 pour trafic de faux billets, c’est hier que Baba Ndiaye alias Ngaaka Blindé et son coaccusé Khadim Thiam ont fait face au juge de la Chambre criminelle de Dakar. Ainsi, ils continueront encore à patienter car leur procès, sur demande du substitut du procureur de la République, est renvoyé au 18 juillet prochain. Ce dernier a évoqué, dès l’entame de ses réquisitions, l’incompétence de la Chambre criminelle à juger l’affaire. Le maître des poursuites s’est appuyé sur les nouvelles dispositions de la loi qui donnent compétence à la Chambre correctionnelle. Pour lui, ce renvoi s’explique par le changement de juridiction consécutive à une nouvelle loi entrée en vigueur au moment où les accusés étaient en prison. «Le parquet sollicite de la Chambre criminelle de bien vouloir se déclarer incompétente et de renvoyer l’affaire devant la Chambre correctionnelle. Les deux accusés ne sont plus justiciables devant la Chambre criminelle. C’est une loi qui l’ôte de cette matière. Par dérogation, les crimes relevant de cette présente loi sont justiciables devant la Chambre correctionnelle», a estimé le représentant du ministère public. Qui précise que l’article 119 du Code pénal est abrogé, depuis le 14 mai 2018, par la nouvelle loi 10 2018 qui est plus douce.
Cette demande de report du procès sollicitée par le procureur survient neuf mois après que l’artiste-rappeur est en prison. Il séjourne à la Maison d’arrêt de Rebeuss où il attend son jugement. Mais cette position du parquet n’a pas laissé indifférents les avocats de la défense qui disent n’avoir pas voulu s’opposer frontalement à la demande de renvoi formulé par le ministère public car soutenant que les faits ne peuvent pas être jugés en Chambre criminelle, mais plutôt en Tribunal correctionnel. Mais ils déplorent le fait que le parquet qui s’est «lourdement trompé» ait attendu tout ce temps pour soulever cette remarque.
L’occasion a été saisie par la défense pour introduire une «demande de mise en liberté provisoire» en faveur de Ngaaka Blindé et Khadim Thiam. Les avocats des accusés ont invoqué des arguments classiques en matière de liberté provisoire : que les accusés sont régulièrement domiciliés, qu’ils présentent des garanties de représentation en justice et que leur remise en liberté ne va pas entraver la procédure. «Comme c’est le parquet qui a commis une erreur monumentale, nous avons estimé, en dépit des lois conventions internationales des droits de l’homme, que Baba Ndiaye et Khadim Thiam doivent bénéficier de liberté provisoire», soutiendra Me Moustapha Dieng, avocat des deux accusés. Le juge va trancher le 18 septembre 2018, date de renvoi du procès Ngaaka Blindé et Khadim Thiam.
Salif KA