Hier, ce sont, tenez-vous bien, 82 candidats à la candidature qui ont envoyé leurs représentants à la cérémonie de présentation de formulaires organisée par le ministère de l’Intérieur. Ce qui veut dire que, si par extraordinaire, le pouvoir reportait ou renonçait à l’application de la nouvelle loi sur le parrainage, ce sont 100 candidats moins 18 qui se présenteraient à la présidentielle de 2019. Rapporté aux 14 millions de Sénégalais, cela ferait un ratio d’un candidat pour 170 mille 731 habitants. Cela en fait trop pour un minuscule pays de moins de 15 millions d’habitants, comparé à la gigantesque République démocratique du Congo. Ce pays-continent, malgré ses 89 millions d’habitants, n’a aligné que 25 candidats à la candidature dont 6 ont été finalement élagués de la liste définitive pour non-respect des conditions d’éligibilité. Tout près de chez nous, le Mali, qui vient de boucler son processus électoral pour la présidentielle de 2018 avec l’élection du président sortant, IBK, a, pour une population de 18 millions d’habitants, vu 24 candidats se lancer dans la course pour la conquête du Palais de Koulouba. Donc, du point de vue strictement rationnel, rien ne peut expliquer cette frénésie de candidatures. Il faut alors sonder le subconscient de nos politiques pour chercher ce qui, globalement, les pousse à vouloir, tous, occuper le fauteuil présidentiel. Il y a, d’abord, l’effet Macron. Pour mémoire, le jeune ministre de l’Economie de François Hollande avait provoqué un séisme dans le monde politique français en annonçant sa démission de Bercy et, dans la foulée, sa candidature à la présidentielle. Ils n’étaient pas nombreux ceux qui auraient misé un copeck sur celui qui, pourtant et malgré les critiques de la société bien-pensante qui l’avait surnommé Judas, deviendra le plus jeune président de la Vème République française. Le monde fonctionnant comme un village planétaire, une telle échappée, à la fois solitaire et victorieuse, a dû en donner des idées à certains qui, dans leurs rêves les plus fous, ne se sont jamais imaginés un destin de préfet de département. Cela, c’est pour la psychanalyse.
Mais, il y a aussi, l’effet prestige. Il y en a qui ont eu tous les honneurs, tous les privilèges, ont côtoyé les plus grands de ce monde, ont acquis toutes les richesses auxquelles un être humain normalement constitué peut prétendre pour sa courte existence. Tout ce qui leur manque, c’est le titre de «Monsieur le président de la République» et tout l’attirail qui va avec : garde prétorienne, protocole, escorte, flotte présidentielle, cour et courtisans, etc. S’y ajoute le fameux décret avec la prérogative exclusive de nomination aux emplois civils et militaires.
La dernière catégorie, ce sont ceux-là qui ont une vue plongeante sur ce que le commun des Sénégalais appelle «caisse noire». C’est-à-dire ces fonds spéciaux, chiffrés en milliards Cfa, à la discrétion du président de la République qui en dispose à sa guise sans aucune obligation de rendre compte à qui que ce soit, si ce n’est à sa seule et propre conscience.
Si vous additionnez ces raisons, les unes aux autres, vous pouvez vous faire votre propre idée de pourquoi, d’élection en élection, et malgré tous les filtres et obstacles posés, les candidats se font de plus en plus nombreux.
Ibrahima ANNE