L’opposition fait dérailler la dernière trouvaille du président Macky Sall, candidat à sa propre succession. Elle l’accuse d’utiliser à outrance l’argent pour acheter les voix et les consciences des électeurs, à sept mois du premier tour de la présidentielle.
Abdoul Mbaye et le député et économiste Mamadou Lamine Diallo raillent la Délégation de l’entreprenariat rapide (Der), la dernière trouvaille du président de la République pour promouvoir l’emploi des jeunes. L’ancien Premier ministre accuse la Der d’être un instrument «d’achat de conscience» à sept mois de la présidentielle de 2019. Il affirme que les jeunes diplômés et jeunes entrepreneurs viennent d’assister impuissant et avec stupéfaction à l’octroi de 15 milliards à 15 000 jeunes dont le mérite interroge. D’après lui, les fonds de la Der devraient être considérés comme un appui à la jeunesse entreprenante s’étant distinguée par son dynamisme et son esprit entrepreneurial, mais force est de constater que cette dernière vient d’être abusée par le chef de l’Etat. En effet, dit-il, nous avons assisté lors de la remise des financements de cette Der à un partage du gâteau synonyme de préfinancement des jeunes de Benno bokk yaakaar pour le parrainage de l’élection présidentielle de 2019. «L’exécution rapide de la distribution de liquidité et de surcroit par le chef de l’État en personne, candidat à sa propre succession à l’élection présidentielle de 2019 tient déjà du scandale. Un de plus dira-t-on, mais surtout une constante puisque le parti est placé avant la patrie contrairement aux engagements oubliés, les ressources limitées du Sénégal servant à alimenter une inégalité de chances selon que vous êtes Apr ou non», dénonce le leader de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act), accusant les alliés du régime, la coalition Benno et leur leader d’exploiter ainsi leur position privilégiée au cœur de l’Etat. Car, selon lui, ces derniers ont décidé d’utiliser tous les moyens de l’Etat pour arriver au second tour. «Tant pis si le jeu démocratique est faussé, si la corruption électorale est érigée en règle de base de l’entreprenariat au Sénégal à travers la Délégation de l’entreprenariat rapide (Der) qui ressemble fort à une ‘délégation faisant emplette de conscience rapide’», poursuit Abdoul Mbaye !
Ce dernier qui indique que cette Der soulève une chaîne d’écueils, estime qu’il faudra d’abord guérir de ce mal pour donner une égalité de chances à tout le monde dans les compétitions électorales. «On ne sert pas la démocratie avec des achats de conscience, la corruption électorale. Chaque électeur doit voter sur la base des programmes des candidats et non au regard de l’argent, des tee-shirts ou des sacs de riz reçus», dénonce-t-il encore. Mais, d’après lui, l’autre revers de la médaille, c’est l’ignorance de l’impact négatif de la Der sur l’économie du pays par Macky Sall. Mieux, les jeunes de son parti s’étonnent qu’aucun économiste universitaire ne puisse avertir des conséquences d’une telle démarche de l’Etat.
En réalité, selon eux, en instaurant la Der, l’Etat se constitue de facto en société de microcrédits à taux d’intérêt nul, sans contrôle a posteriori de la capacité de remboursement des bénéficiaires par des institutions financières habilitées. Le risque majeur est le non remboursement des prêts qui à moyen terme crée un déficit budgétaire, préviennent-ils, ajoutant que pour un Etat rationnel, ces fonds auraient dû être logés dans des établissements financiers capables d’évaluer les projets porteurs des jeunes dans des secteurs stratégiques où le Sénégal regorge de dotations factorielles. Cela permettrait une baisse du taux d’intérêt et donc l’augmentation des investissements privés, avec en conséquence une création d’emplois, selon eux.
Pour sa part, Mamadou Lamine Diallo, le leader du mouvement Tekki affirme que la Der masque l’absence de politique de financement de l’économie. Selon lui, les Apr/Bby aiment rassembler les femmes et les jeunes fatigués pour donner des financements. Sans base légale, des ministres de Macky Sall ont rassemblé des compatriotes dans les stades et pour leur donner de l’argent, dit-il. Or, d’après lui, la loi bancaire stipule que seuls les établissements agréés peuvent faire crédit. Macky Sall n’en a cure des lois de la République. La Der est dotée de 30 milliards. Mais le leader du mouvement Tekki rappelle que ceci n’est pas nouveau. En effet, le Sénégal a connu successivement l’opération «Maitrisards», la DIRE, le FPE, le FNPJ, tous ces instruments étaient destinés à financer les jeunes par l’Etat.
Charles Gaïky DIENE