S’il fallait faire le bilan de la seconde alternance, la première réalisation aurait, sans nul doute, été la prouesse d’avoir réussi, sans tambour ni trompette, de déclencher le processus de mise à la retraite des ténors de l’opposition classique.
(Correspondance) – A y regarder de près, la coalition Benno Bokk Yaakaar peut être perçue comme une maison de retraite dorée de ces caciques de l’opposition qui, pendant plusieurs décennies, ont été omniprésents sur la scène politique sénégalaise au point d’être perçus comme des icônes pour en avoir fait voir des vertes et des pas mûres aux différents régimes qui se sont succédé au pouvoir. Lesquels, après l’avènement de la seconde alternance survenue en 2012 et leur adhésion à la coalition du parti au pouvoir, sont devenus subitement invisibles et aphones pour ne pas dire muets comme des carpes. Comme si, par extraordinaire, tout était devenu au mieux dans le meilleur des mondes. Qu’il s’agisse de l’impénitent gauchiste, le patriarche Ameth Dansoko connu pour ses critiques acerbes et son franc parler, de Landing Savané cet autre gauchiste qui pour des questions de principe a su opposer un niet catégorique à toutes les mains tendues de l’ex Président Abdou Diouf sous le régime socialiste d’alors ou encore d’Abdoulaye Bathily entre autres, tous sont aujourd’hui aux abonnés absents et se la coulent douce dans un cadre de retraite taillé sur mesure, la coalition Benno Bokk Yaakaar comme si ce pays qu’ils ont toute une vie durant défendu bec et ongles avait atteint son apogée.
Quant aux socialistes Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse, ils ont fini de retourner leur veste et voguent tranquillement au milieu de la masse des souteneurs du temple marron-beige. Mieux ou pis, c’est selon, ils en sont arrivés à s’ériger en farouches défenseurs dudit temple allant jusqu’à écarter des rangs ou simplement mettre «hors d’état de nuire» tous les responsables de leur formation politique qui manifestent des ambitions présidentielles. Les cas du député maire de Dakar, Khalifa Sall, son homologue de Mermoz Sacré-Cœur, Barthélémy Diaz et Malick Gakou sont, à ce titre, très édifiants. En tout état de cause, le constat est là. Aucune de ces grosses pointures, sauf extraordinaire, ne sera candidat à la présidentielle de 2019. Pis, tous ou presque travaillent à confiner leur formation politique dans une posture de parti de contribution avec la seule et unique ambition de réélire le Président Macky Sall au premier tour. Toute situation qui apparaît aux yeux de l’observateur de la scène politique comme le début de la disparition des dinosaures de l’espace politique sénégalais. Mais aussi le début d’une nouvelle ère, celle de l’alternance générationnelle.
L’avènement d’une nouvelle ère dont la phase transitoire sera sans doute assurée par le rewmiste en chef Idrissa Seck qui, s’il n’accède pas à la magistrature suprême en 2019, devra lui aussi décrocher. A moins qu’il ne décide, à l‘instar d’ailleurs de son ancien frère de parti et actuel tenant du pouvoir, Macky Sall, de faire sienne cette trouvaille de son père putatif l’ancien Président Abdoulaye Wade quand il soutenait que «les promesses n’engagent que ceux qui y croient». En effet, tout comme Macky Sall avait promis de faire un mandat de cinq ans, Idrissa Seck avait lui aussi promis de quitter la scène politique à l’âge de 60 ans. Pour simplement dire qu’un second mandat de Macky Sall pourrait être comme un ticket de sortie pour Idrissa Seck.
Un ticket qui serait pour faire place nette à cette jeune génération de loups aux dents acérés qui frappent à la porte, tous décidés qu’ils sont, d’assurer la relève et de mener la barque sans considération idéologique aucune. En effet, tous ou presque ne se réclament d’aucune obédience politique. Il s’agit, pour certains, de technocrates qui, en un moment de leur vie, ont eu à flirter avec le pouvoir. C’est le cas, entre autres, de l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, de l’ancien ministre de l’Energie Thierno Alassane Sall et dans une moindre mesure Ousmane Sonko et le juge Ibrahima Dème qui sont arrivés sur la scène politique avec en bandoulière la lutte contre l’injustice. Pour d’autres, il s’agit de politiques aguerris comme Malick Gakou, Khalifa Sall ou encore Thierno Bocoum, pour ne citer que ceux-là, qui, pour une raison ou une autre se sont démarqués de leur formation politique d’origine pour voler de leurs propres ailes. Tout un groupe de prétendants qui, depuis quelques temps, font la une de l’actualité politique et qui sont tous décidés à en découdre pour jouer les premiers rôles. Quid du technocrate et ancien premier ministre Hadjibou Soumaré qui, même s’il n’est pas à ranger dans la classe des jeunes loups, n’entend céder aucune parcelle de son territoire décidé qu’il est de batailler ferme pour être l’homme de la troisième alternance et assurer en conséquence la transition vers celle générationnelle tant attendue par une bonne partie de la population mais aussi et surtout par la masse critique de jeunes inscrits sur les listes électorales ? Des jeunes sans coloration politique et dont l’expression sera des plus déterminantes lors des prochaines joutes présidentielles de 2019.
Sidy DIENG