La prochaine présidentielle est partie pour cristalliser les passions, économiques notamment.
Les enjeux sont énormes : fiscalité, ressources naturelles, présence des entreprises étrangères, croissance, emploi, endettement, etc. Difficile de trouver plus indiqué que Baïdy Agne, Président formel du patronat (Cnp) et leader informel du «Parti de l’Entreprise» pour débattre de ces questions. Dans une démarche dépouillée de toute position politicienne, il a subi le feu roulant des questions de la rédaction de WalfQuotidien dont il était l’invité.
Extraits :
Walf Quotidien : La Cour d’appel qui devait se prononcer sur l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao notamment, sur la violation d’un certain nombre de droits des détenus Khalifa Sall et compagnie, a rendu son verdict (l’entretien a eu lieu le mercredi 18 juillet). Est-ce qu’on peut avoir, à chaud, votre réaction par rapport à cette affaire ?
Baïdy AGNE : Vous commencez par me poser une question d’actualité, certes, mais politique. Ce n’est pas tout à fait mes champs d’action. Ni la politique ni le droit. Je ne suis spécialiste ni de l’un ni de l’autre. Cependant, je dois quand même dire, bien sûr, que le maire Khalifa, nous entretenons de très bonnes relations avec lui en tant que Conseil national du patronat et lui, maire de Dakar, sur des questions parfois relevant de la fiscalité locale. Donc, à tout moment, il a toujours été à l’écoute de l’entreprise. Je ne lui souhaite pas ce qui lui arrive. Je ne souhaite à aucune personne d’être privée de liberté, ne serait-ce qu’un jour. Mais, encore une fois, je ne suis pas spécialiste de ces questions. Nous les suivons avec intérêt et nous avons notre volonté à nous, secteur privé et donc acteur aussi de la société et du pays, pour souci que les politiques puissent se parler. Et, que tout ce qui peut constituer des crises possibles, qu’on essaye de l’évacuer. C’est toujours un appel à la paix, au dialogue que nous formulons en permanence. Parce que, l’entreprise ne peut s’exercer que dans le cadre d’une paix sociale établie et qu’on puisse envisager ensemble l’avenir.
En relation avec cette affaire, vous n’êtes ni juriste ni politique. Mais, est-ce que la judiciarisation des conflits politiques ne risque pas, à terme, d’avoir un impact sur l’environnement des affaires que vous défendez ?
C’est clair. Et c’est pour cela que je réponds à votre question en la ramenant presque à l’économie. C’est pour cela que nous avions, nous, au niveau du secteur privé et du Conseil national du patronat (Cnp) combattu, moi-même à plusieurs reprises, le fait, pour des affaires économiques, que cela se traduise, pour des chefs d’entreprises, par des mandats de dépôt. Nous, nous disons que nous devons les dépénaliser. Maintenant, d’une autre façon, une réflexion peut être engagée sur le rôle de la justice. Sur toutes ces questions, cela peut être envisagé. Ce qui est clair, pour nous secteur privé, nous souhaitons avoir un environnement apaisé. Nous le savons tous, on n’est pas encore arrivé à cela. Mais, nous allons aussi vers des échéances électorales notamment, en 2019. Généralement, des élections suscitent dans nos pays beaucoup de tensions. Nous devons bâtir ce dialogue pour notre pays qui a une tradition démocratique que nous devons tous préserver. Je pense que c’est le but.
En 2011, le secteur privé avait tenté une médiation d’apaisement au climat politique lors de la polémique sur le 3ème mandat de l’ancien Président, Abdoulaye Wade. Etes-vous prêt à reprendre votre bâton de pèlerin dans ce contexte politique difficile ?
Vous avez raison ! En 2011, à un moment où, effectivement, la question du troisième mandat du Président Wade a été posée, nous avions constitué un groupe qu’on appelait le «Groupe des 6». Et, nous étions engagés dans cette médiation qui n’a pas été facile mais qui, à mon sens, avait permis quelques changements. Me Wade nous avait écoutés sur cela et nous avions, à l’époque, vu tous les acteurs de l’opposition pour leur parler et essayer d’apporter un apaisement qui était, en réalité, une médiation. Même si au bout du compte, le Président Wade a maintenu sa candidature, cela a été une médiation très utile des deux côtés. Un tout petit consensus sur certaines questions nous a permis d’aller à des élections. Et même, parfois, de réussir des choses que les gens ne savent pas. Le jour de l’élection, personnellement, j’ai eu un entretien avec le Président Wade pour indiquer qu’il était bon de reconnaitre ce que les urnes avaient indiqué et au plus vite. Cela a été fait aussi. Nous préférons toujours faire ces actions dans la plus grande discrétion. Nous parlons à tous les acteurs politiques déjà, aujourd’hui. Je pense que si cela devait arriver ou arriver à un stade où nous constaterions qu’en fait les acteurs politiques n’arrivent plus à dialoguer, et que nous allons droit vers un mur, si cela devait arriver, je pense que ce serait encore notre responsabilité d’en parler, de rentrer dans une action plus formelle dans le sens de ce dialogue nécessaire qu’il faut avoir. Vous parliez de l’affaire Khalifa Sall. Nous avons aussi la question du parrainage. J’ai compris que le ministère de l’Intérieur devrait prendre un arrêté dans les jours qui viennent. Tout ceci ne se fera qu’à partir d’un dialogue qu’ils devront engager. Je pense que c’est aussi la responsabilité de tous les acteurs non politiques, qu’ils soient de la société civile, du patronat ou religieux, d’avoir des propos d’apaisement. Il est vrai que, à chaque élection, des tensions surgissent. Mais, nous devons, dans la maturation de notre démocratie, arriver à dépasser ces débats.
Que vous inspire l’implication de plus en plus remarquée de hauts fonctionnaires et de chefs d’entreprise dans la politique ?
Nous avons une tradition, dans certains corps, de ne pas avoir beaucoup d’acteurs politiques. Nous avons toujours voulu avoir une administration qui est loin des problématiques d’engagement politique. Ce, même si chaque citoyen a le droit d’avoir son opinion. Mais, si ceux dont vous parlez le font, c’est peut-être parce qu’ils ont des projets pour le Sénégal qu’ils veulent aider à réaliser. J’ai un sentiment mitigé sur cette question.
Quels sont les enjeux de la Présidentielle 2019 pour le «Parti de l’entreprise» que vous incarnez ?
En réalité, les enjeux de nos élections sont les enjeux d’un moment. Or, ils doivent aller au-delà pour épouser des enjeux liés à la paix, à la stabilité, etc. La transmission voudrait qu’on puisse continuer à mettre notre pays sur une position favorable. Les problématiques soulevées aujourd’hui, avec le pétrole et le gaz, reviendront pour les élections et continueront après. Nous avons des enjeux sociaux, économiques, de tolérance, de populisme, d’extrémisme et d’asservissement. Nous devions prendre en compte toutes ses problématiques pour ne pas être arrimés sur une élection à une date donnée. Après l’élection, il faut qu’on soit là. Il faut qu’on vive et que l’économie continue à se développer. Nous avons aussi des problématiques de société, d’une façon générale.
Qu’attendez-vous des potentiels candidats à la Présidentielle de 2019 ?
Je suis président d’un syndicat patronal. A ce titre, ce que nous faisons pour les différents candidats qui veulent concourir à la charge présidentielle, c’est qu’à chaque élection, nous invitons tous les candidats à venir nous rencontrer pour nous dire ce qu’ils veulent faire de notre pays. Nous leur disons également, voilà ce que nous pensons de ce que vous devez faire. Nous l’avons fait à différentes élections. Certes, il faut que les candidats soient déclarés. Mais, au moment où nous les interrogeons, ils sont en campagne. Et lorsqu’ils sont en campagne, tout le monde dit à peu près les mêmes choses. Dans certains pays, avant même les élections, des programmes sont posés sur la table. Durant la campagne, peut-être que nous avons assez de temps pour entrer en détails sur leurs projets économiques. Nous allons leur soumettre un document que nous avons élaboré pour leur dire ce que nous considérons être les enjeux pour notre société, l’économie. Nous devons envisager, avant les échéances, d’avoir cet entretien programmatique afin qu’ils nous disent le projet de société qu’ils veulent proposer aux Sénégalais. Par le passé, nous avons eu à accueillir des groupes parlementaires qui venaient nous solliciter avant le vote des lois surtout si celles-ci ont un caractère économique. Nous échangions et au final, ils en prenaient compte avant de voter des lois. Je profite de l’occasion pour faire un appel à ces acteurs politiques ou parlementaires de renouer avec le secteur privé et d’avoir cette attitude de venir nous voir, avant de voter les lois, pour échanger afin de prendre en compte les préoccupations des acteurs au lieu de voter et puis de dire aux gens de vivre avec les conséquences de nos votes, positives ou négatives.
Justement en 2012, le candidat Macky Sall avait signé la charte du patronat. A-t-il respecté les engagements contenus dans cette charte ?
Le Président Macky Sall avait son projet qui s’appelait le Yoonu Yokkute. A l’époque, nous avions constaté que c’était déjà une certaine avancée. C’est-à-dire un candidat qui vient avec son projet pour la société. On peut se poser des questions sur le projet, sur sa pertinence, sur tel ou tel autre aspect. Nous avions, nous-mêmes, en 2013, dans un souci de partenariat avec l’Etat, dans le cadre de la réunion annuelle que nous faisions sur les Assises de l’entreprise, invité le pouvoir à venir discuter de ce projet de Yoonu Yokkute et de comment, dans ce programme, nous pensions, nous du secteur privé, améliorer la proposition. Notamment sur la question de l’emploi où le Yoonu Yokkute parlait de 500 mille emplois. Nous avions même élaboré un projet après discussions avec des acteurs économiques dans différents secteurs. Notamment sur comment ils peuvent contribuer à la réalisation de ce projet en terme de création d’emplois. Un des secteurs qui avait le potentiel le plus important de ce vivier d’emplois était le secteur des Technologies de l’information et de la communication (Tic). Dans un programme détaillé, on avait dit, si telle ou telle chose est faite, nous nous engageons à créer ces emplois.
Comment se porte l’économie sénégalaise ?
Si on se fie aux données du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, on nous dit que tous les indicateurs sont au vert avec une croissance de 6,8 % en 2017. C’était 6,1 % en 2013. On a une croissance projetée pour 2018 de 7,1 %. Nous avons un taux d’endettement de 62 %, en dessous des différents critères. Si on s’en tient à cela, on dira que notre économie se porte bien. Ce sont des informations statistiques. Mais, cela veut dire une croissance constatée, un taux d’endettement gérable. En même temps, nous avons beaucoup de questions concernant la dette intérieure. C’est une somme d’individualités d’entreprises. Mais, après, cela devient global. Nous avons une dette intérieure considérable que nous évaluons, au Cnp seulement, à presque 150 milliards de francs Cfa. C’est énorme ! Nous avons, hier même (l’entretien s’est déroulé le mercredi 18, Ndlr) eu une concertation avec le ministre de l’Economie et des Finances. Il y avait un arrêt dans le paiement. Mais, depuis une semaine ou deux, des efforts considérables sont en train d’être faits. Sauf que le paquet de la dette est là. Maintenant tout dépend de la sensibilité du secteur. Si l’on considère l’essence pour les populations, on constate que le coût du baril a augmenté depuis la première baisse que nous avions en 2016, quand le baril était à 32 dollars. Aujourd’hui, il est à presque 80 dollars avec un dollar qui s’apprécie considérablement, qui est presque égal à un euro. Si l’Etat décide de ne pas rétablir la vérité des prix sur l’essence, cela implique qu’il est obligé de subventionner pour réduire le gap. Et à force de subventionner, cela met l’Etat dans une situation d’avoir du mal à régler cette question de la dette. Maintenant, pour les entreprises qui sont victimes de cette dette, il faut que nous comprenions ce que cela signifie pour l’entreprise. Cela signifie que tous les différents investissements qui se font, se font par le concours bancaire. Et si on a des retards de paiement, cela implique des frais financiers élevés que nous devons payer. Et donc, à terme, si cela devait continuer, cela signifierait que les entreprises vont travailler sans gain. C’est comme cela que ça se traduit.
Et que fait l’Etat ?
Il y a une loi de finances rectificative qui a été votée au mois de juillet 2018. Je pense que tout ceci procède de la même chose : «Je protège certains secteurs, je tape sur d’autres.» Si des produits de certains secteurs semblent toucher directement les populations, d’autres secteurs comme les mines et les télécoms font l’objet de nouvelles taxes. Mais, c’est pour cela que les gens dialoguent. Parce que, dans le secteur minier surtout, les conventions signées doivent être stabilisées. Toute nouvelle modification entraîne des problèmes très sérieux. On a une bonne concertation avec le ministre de l’Economie et des Finances. De nouveaux engagements ont été pris pour aller dans le sens de résorber au plus vite cette dette.
Est-ce à dire que la dette intérieure tue les entreprises locales ?
C’est vous qui mettez vos mots. Mais, ce qui est clair c’est qu’une entreprise à qui on doit de l’argent, qui s’est engagée auprès d’une banque qui n’est pas payée, cela se répercute dans l’exécution de ses chantiers. Et cela concerne aussi bien les entreprises locales qu’internationales. En tant que Président du Cnp, mon rôle est de défendre toute entreprise de toute nationalité et de toute taille, membre du Cnp. Je vous ai dit notre appréciation de la dette et des engagements que nous avons avec le ministre des Finances qui a commencé à payer. D’autres cycles de paiement auront lieu parce que l’Etat paie toujours. Cependant, il y a des moments où on dit attention. Mais la dette est lourde et il faut éviter à un moment donné qu’elle s’empire. Donc il faut dire stop, entre temps, il y a du travail exécuté, l’Etat paie mais il faut qu’il accélère pour remettre les choses en ordre. De plus, avec le durcissement de la réglementation bancaire avec notamment Bâle II et Bâle III, cela entraîne des contentieux juridiques avec les banques.
Quel est votre sentiment par rapport à l’hostilité envers les entreprises françaises, notamment Auchan et Eiffage ?
J’ai été le premier, et d’une façon récurrente, ces dix dernières années, lors de nos assises, à parler de patriotisme économique, de la nécessité de voir l’Etat être un Etat stratège, proche de ses entreprises. Qu’il constitue leur bras armé pour leur permettre d’avoir plus de souveraineté économique. Mais, il ne faudrait pas stigmatiser l’investissement direct étranger parce qu’il est pourvoyeur d’emplois, de valeur ajoutée pour notre pays. Que le Sénégal soit attractif jusqu’à attirer les investisseurs étrangers, nous devons le saluer. Ce qu’il faut dire peut-être à Eiffage -et c’est ce qu’on lui a dit, c’est ce qu’il fait dans ses différents projets- c’est de développer de plus en plus de partenariats avec les nationaux. Je ne suis pas là pour défendre Eiffage. Mais, c’est une entreprise qui est là depuis plus de 90 ans, qui a une responsabilité sociale assez importante et qui a gagné un contrat de construction d’une autoroute dans le cadre d’une compétition.
On ne peut pas aller jusqu’à laisser l’intolérance et le populisme prendre le dessus de ce que nous voulons en tant que pays. Il faut quand même reconnaître que nous avons une longue relation avec la France. Des investisseurs étrangers, il n’y en a pas que pour la France. Je n’ai pas entendu parler de la Chine alors que les Chinois font des projets d’infrastructures majeurs et je ne leur connais aucun partenariat structuré avec des entreprises nationales. Alors que Eiffage, dans la réalisation de ses projets, est souvent en partenariat avec des entreprises sénégalaises. Il faut une réflexion. Nous avons d’autres investisseurs étrangers qui interviennent parfois dans l’exécution de certains projets de marchés publics. Je le disais à quelqu’un du ministère de l’Economie et des Finances : la Chine et la Turquie amènent l’argent et à des taux concessionnels. A chaque fois qu’un Etat étranger amène de l’argent sur un projet, il y a une contrepartie sénégalaise, généralement de 15 %. Je dis à nos Etats : «Vous devez (les nationaux), dans les négociations commerciales à la signature de ces conventions, exiger, de la même façon, si l’autre (l’entreprise étrangère) dit : «J’amène l’argent, c’est moi qui exécute», de dire aussi «c’est moi (l’entreprise nationale) qui amène 15 %, ça va être exécuté par une entreprise nationale». D’une façon plus globale, je peux comprendre le souci que peuvent avoir les Etats à exécuter les infrastructures le plus rapidement possible. Mais, il faut que des questions de coût soient posées. Qu’il y ait un taux concessionnel, mais qu’il y ait presque une attribution sur ce chantier direct. L’entreprise est libre de mettre des taux d’exécution très élevés. Au final, ce n’est pas forcément moins cher. Il y a toutes ces questions que nous devons aborder et qu’il y ait plus d’écoute au niveau de l’entreprise sénégalaise nationale. C’est ce que je fais tout le temps. J’ai été président de la Fondation Total. Quand je l’ai été, un de mes objectifs était de dire à Total qu’ «il était bon que vous ouvriez votre capitale au nationaux». C’est un capital qu’ils (Total) détenaient à 100 %. Ils l’ont ouvert. Aujourd’hui, il y a presque 30 à 35 % de Sénégalais qui sont actionnaires dans Total Sénégal. Quand cela s’est réalisé, j’ai démissionné de ma position. J’ai été Président de Tigo. Dans ce qui s’est passé récemment (tentative de rachat de Tigo par Wari, puis reprise par d’autres hommes d’affaires, Ndlr), j’ai été un des instigateurs. J’avais exprimé, publiquement, mon soutien, en un moment donné, à Kabirou Mbodje. Parce qu’étant Président de Tigo, ce que j’avais dit à Tigo est qu’elle devait ouvrir son capital. Avoir 100 % de son capital, ici, ne me semblait pas durable. Au-delà d’ouvrir le capital, ils ont même vendu, à des moments, à des Sénégalais. Il s’est passé, par la suite, qu’entre le vendeur, l’acheteur et l’Etat, il n’y a pas eu entente de ce côté. Il y a eu entente d’un autre côté. Je pense que cela s’est réalisé aussi. Pour moi, ma mission était finie. J’ai démissionné de la présidence de Tigo et de Milicom. Les actions que nous devons mener, c’est voir comment nous devons construire, dans le long terme, pour augmenter notre capacité en tant qu’investisseurs nationaux. Comment nous pouvons développer des partenariats, quand c’est nécessaire. Que ce soit contrôlé à 100 % par un Sénégalais, tant mieux. Mais, tout au moins, ouvrir et développer un certain partenariat où, en réalité, nous ne sommes pas non plus obligés d’être minoritaires.
Quid de Auchan ?
Pour Auchan, j’ai rencontré, naturellement, Idy Thiam, Président de l’Unacois sur cette question. Nous avons beaucoup échangé là-dessus. J’ai vu que le ministère du Commerce a pris la décision, réuni les différents acteurs pour qu’on revienne sur une loi qui définit les stades du commerce : c’est quoi le grossiste, le demi grossiste, le détaillant, etc. ? Cette loi est nécessaire. Elle existait. Différents acteurs l’avaient contestée à des moments. Mais c’est nécessaire qu’on la remette en place. J’ai dit aussi au président Idy Thiam, qu’il y a certes Auchan. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut que toutes les structures soient traitées de la même façon, dans les mêmes conditions juridiques, fiscales, etc. Si ceci est établi, nous devons ensemble envisager de structurer ce que nous faisons. Il y a eu cette discussion en 2012, déjà, sur un réseau de distribution qui devait être mis en place. Il nous faut, par une loi, protéger les différents stades du commerce, mais, en plus, dans la distribution, aller vers plus de modernisation, de solidarité pour créer des chaines alternatives. C’est possible.
Sur la question de l’état de santé de l’économie sénégalaise, vous n’avez fait que reprendre les chiffres du ministère ?
Il y a une semaine, quand il y avait cette réunion avec l’Ansd qui publiait une enquête super intéressante parce que, en fait, il s’agissait de réapprécier ce que nous créons et l’état de notre économie, je disais, ce jour-là, que, pour un pays, nous devons tous avoir les mêmes références pour un chiffre donné. Parce qu’un pays où les statistiques ne font pas l’objet d’un consensus est un pays à risque. Parce que l’investisseur, qu’il soit national, étranger ou partenaire au développement, ne se sentirait pas à l’aise. Il faut accepter l’importance de cette nouvelle réunion (avec l’Ansd) qui, pour moi, était de définir la nouvelle base de ce que nous faisons. J’ai dit comment nous (le Cnp) sentons l’économie, j’ai parlé d’un côté d’une dette. Il y a des secteurs qui sont florissants, c’est bien. L’économie, c’est un tout : des entreprises en difficulté, florissantes, différentes choses. Cependant, sur des choses qui concernent notre relation avec l’Etat dans des marchés publics, par exemple, il est important que l’Etat suive, parce que cela mettrait en difficulté certaines entreprises.
Vous faites vôtre les chiffres publiés par le ministère. Mais, il y a un débat autour de ces chiffres…
Je ne suis pas au courant qu’il y ait différents chiffres. En tout cas, les chiffres que le ministre a avancés, nous les partageons. C’est-à-dire ceux sur la croissance, sur le taux d’endettement, etc.
Il y a des chiffres qui ont été rectifiés par l’Ansd…
Il y a eu une polémique, il y a deux à trois ans de cela.
Non, cela est tout à fait récent…
En matière de statistiques, les gens peuvent varier. Les chiffres que je viens d’évoquer, sont lancés depuis presque un an. Je sors d’une réunion avec l’Ansd la semaine dernière. Je ne suis pas au courant. La croissance, confirmée pour 2016, était de 6,1 %. 2017, les chiffres qui sont sortis parlent de 6,8 %. Maintenant, qu’il y ait des choses à la marge, c’est possible. Pour 2018, ils parlent de 7,1 %. Ce sont les chiffres qui sont à notre disposition.
Quel est l’apport du privé sénégalais dans ce taux de croissance ?
La croissance, c’est une sommation de tout, de petites transactions, etc. Que vous me demandiez quel est l’apport du secteur privé national sur cette formation, je ne pense pas que cela soit une question juste. Certains secteurs de production de croissance comme les Btp et les nouvelles technologies y ont leur apport. L’agriculture a été dite et redite. La croissance, c’est une sommation de tout. Vous me demandez quel est l’apport du secteur privé national sur cette formation de croissance ? Ce que je sais, c’est que, dans le Budget consolidé d’investissement (Bci) qui était sur la partie infrastructure qui était aux environs de 2 000 milliards Cfa, l’année dernière, les techniciens du ministère des Finances m’avaient dit, dans une discussion, que les 95 % de ce montant sont réalisés par des entreprises sénégalaises. Je leur ai rétorqué, par des entreprises probablement de droit Sénégal. C’est pour cela que nous, au niveau du Cnp, on avait saisi l’Uemoa pour modifier la définition d’une nationalité d’une entreprise. Aujourd’hui, au Sénégal, si vous créez une entreprise, même si le capital n’a pas été contrôlé à 100 % par des étrangers, elle est considérée, une fois qu’elle est installée, comme une entreprise de droit sénégalais. Aussi, nous les différents patronats de l’Afrique de l’Ouest, avons introduit une demande au niveau de l’Uemoa pour que cette définition soit revue. Et notre proposition, c’est qu’il faut qu’il y ait des éléments de capital, pour qu’il soit contrôlé à 50 %.