Lors d’une conférence de presse conjointe tenue hier à Dakar, Me Assane Dioma NDIAYE et ses camarades ont livré un cours magistral à l’Etat du Sénégal.
Les interprétations des défenseurs des droits humains sénégalais, sur le verdict rendu par la Cour de justice de la Cedeao à propos du procès Khalifa Sall, ressemblent à un cours magistral à l’endroit des autorités de la République. Hier, en marge d’une conférence de presse conjointe, Amnesty Sénégal, la Raddho et la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh) ont défendu des arguments tirés des textes juridiques pour faire valoir l’application de la décision de cette cour supranationale. Ce, sans rater le régime du Président Macky Sall qu’ils assimilent à celui de l’ex-président de la Gambie, Yaya Jammeh. «Certains Etats sont en train de reprendre par la main gauche ce qu’ils avaient offert par la droite. Le régime de Yaya Jammeh n’avait jamais voulu respecté les décisions de cette Cour de justice de la Cedeao. En soutenant après la sortie de la décision que l’Etat du Sénégal est souverain, les autorités sénégalaises semblent aller dans le sens de ne pas la respecter. Ce régime n’a pas le droit d’aller dans le sens de la dictature», met en garde Sadikh Niass, Secrétaire général de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho). Selon lui, à chaque fois que la Cour de justice de la Cedeao rendait une décision qui n’était pas favorable au régime de l’ex-président gambien, non seulement il contestait, mais allait même jusqu’à écrire à la cour pour demander la révision de cette décision. Une chose qui n’était pas possible. Ce fut le cas, soutient-il, du journaliste Boubacar Camara à qui la cour avait demandé sa libération pour détention arbitraire. «La cour de justice de la Cedeao n’est pas tenue à attendre l’épuisement des recours dans les juridictions nationales. Ceux qui soutiennent cette thèse n’ont qu’à se détromper. C’est l’Etat qui doit mettre en œuvre les décisions rendues par cette cour», renseigne le défenseur des droits humains.
Abondant dans le même sens, Me Assane Dioma Ndiaye invite le gouvernement à ne pas sacrifier les principes sacro-saints d’un Etat de droit. Pour le président de la Lsdh, les autorités, en soutenant que ce n’est pas l’Etat qui a violé les droits de Khalifa Sall mais la police, avouent leur culpabilité. «Il n’a jamais été dit que la cour a ordonné la libération de Khalifa Sall. Elle réclame le rétablissement de ce dernier dans ses droits», éclaircit-il. «Nous avons eu la chance d’avoir cette cour. Elle peut donner son avis sur le déroulement du procès en cours», répond-il à ceux défendent le contraire tout en déplorant leur position. «C’est parce que la décision bénéficie à un opposant qu’on essaie de jouer avec les gens. Nos Etats doivent être sérieux», rétorque-t-il. Pour sa part, le Directeur exécutif de d’Amnesty Sénégal, Seydi Gassama a soutenu que cette affaire dépasse largement Khalifa Sall. Selon lui, le Procureur général près la Cour d’appel de Dakar, Lansana Diabé Siby, a indiqué aux autorités la voie de sortie de cette affaire. «Même les autorités actuelles peuvent avoir demain l’intérêt à aller devant la Cour de justice de la Cedeao. Elles sont, soit des ignares, soit des ignorants. Nous ne méritons pas d’avoir de tels dirigeants», déplore-t-il. En à croire Seydi Gassama, l’Etat ne manquera pas d’exercer des pressions sur le juge en charge du dossier, le Premier président de la Cour d’appel de Dakar, Demba Kandji. «Les déclarations que nous entendons laissent croire qu’il y aura des pressions de l’exécutif sur les juges de la Cour d’appel», révèle Seydi Gassama, Directeur exécutif d’Amnesty. «Si les juges de la Cour d’appel ignorent cette décision, nous serons la risée du monde. J’espère qu’ils auront le courage de sortir le Sénégal de cette honte», invite au final le droit de l’«hommiste».
Salif KA