L’Etat du Sénégal perdra toujours à l’étranger face à Karim Wade.
Et pour cause, les décisions de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) sont dépourvues de toute valeur juridique en dehors du territoire national. Aucun pays au monde, aucune juridiction internationale ne reconnaît ses décisions.
L’Etat du Sénégal vient encore d’essuyer un nouveau camouflet. Le Tribunal correctionnel de Monaco a refusé, avant-hier, de procéder à la confiscation des sommes saisies dans les comptes monégasques appartenant à Karim Wade et ses co-accusés, contrairement à la demande présentée par l’État du Sénégal. Ce désaveu de Monaco vient s’ajouter à la longue série de défaites judiciaires infligées à l’Etat du Sénégal par les avocats de Karim Wade. Il faut dire que dans cette affaire, l’Etat perdra toujours à l’étranger. Et ce revers est la preuve que les décisions de la Cour de répression de l’enrichissement illicite sont dépourvues de toute valeur juridique à l’étranger. Sa portée se limite exclusivement sur le territoire national. Aucun pays au monde, aucune juridiction internationale ne reconnaît ses décisions. La Crei n’est reconnue par aucun pays au monde ni par aucune juridiction internationale. Le délit d’enrichissement illicite n’est pas aussi reconnu à l’étranger. Ainsi, toutes les procédures menées hors du territoire national par l’Etat du Sénégal ont été classées sans suite. C’est le cas d’une plainte pour «biens mal acquis» déposée contre Karim Wade auprès du Parquet national financier de Paris. C’est également le cas du refus de confiscation prononcé par le Tribunal de grande instance de Paris puis par la cour d’appel de Paris. A contrario le fils de l’ancien Président sénégalais a eu gain de cause devant la Cour de justice de la Cedeao et devant le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire qui a constaté le caractère inéquitable de son procès et a proclamé le caractère arbitraire de son emprisonnement.
Toutes choses qui font dire à Ciré Clédor Ly, un des avocats de Karim Wade, que la Crei viole les principes de droit reconnus par la communauté internationale dans les traités et conventions internationales signés et ratifiés par le Sénégal, parties intégrantes de sa Constitution.
En effet, avant le verdict de Monaco, la Cour d’appel de Paris a débouté l’Etat du Sénégal qui avait introduit une requête pour contester la décision du Tribunal de grande instance de Paris rendue le 26 septembre et s’opposant à la confiscation des biens de Karim Wade et Bibo Bourgi recensés sur le sol français. Le Sénégal avait saisi cette juridiction pour casser le jugement du tribunal de grande instance de Paris qui l’avait débouté dans sa plainte portant sur la saisie des appartements du 16ème arrondissement de Paris de Karim Wade et Bibo Bourgi en exécution de l’arrêt de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) qui a en outre condamné Karim Wade à une amende de 138 milliards de francs Cfa.
La loi du 10 juillet 1981 a introduit dans le Code pénal sénégalais le délit d’enrichissement illicite. Outre ce nouveau délit, une juridiction ad hoc et en sommeil depuis lors, la Crei a été réactivée en mai 2012 par le gouvernement de Macky Sall. Mais tous les défenseurs des droits de l’homme sont unanimes: cette juridiction d’exception ne garantit pas les droits des personnes inculpées. «Il est regrettable que cet organe d’un autre âge ait été réactivé sans avoir été mis en conformité avec les principes les plus élémentaires du droit et des droits de la défense», a déclaré Me Patrick Baudouin, Président d’honneur et responsable du Groupe d’action judiciaire de la Fidh. «Lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite est légitime mais la Crei ne prévoit aucune possibilité d’appel, et ses règles de procédures qui renversent la charge de la preuve» a déclaré Assane Dioma Ndiaye, Président de la Lsdh et avocat du Gaj de la Fidh. «Autant dire que vous êtes présumé coupable et que c’est à vous de démontrer votre innocence» a-t-il ajouté, cité par Fidh.org. De l’avis du défunt Aboubacry Mbodji, ancien Secrétaire général de la Raddho, la Crei est une juridiction spéciale avec des règles de «procédures attentatoires» au droit à un procès équitable.
Charles Gaiky DIENE