CONTRIBUTION
En disant que «le droit à l’assistance d’un conseil, le droit à la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable des requérants ont été violés», la Cour de justice de la Cedeao laisse aux autorités judiciaires du Sénégal, le soin d’en tirer toutes les conséquences de droit. C’est donc à la Cour d’appel de Dakar devant laquelle «l’Affaire Khalifa Sall» est pendante, de décider en toute indépendance, si cet «avis» de la Cour de justice de la Cedeao la lie ou non. Dans tous les cas de figure, la décision de la Cours d’appel du Sénégal, en la matière, doit être respectée par toutes les parties (Etat, et plaignants).
En outre, en disant que «la détention de Monsieur Khalifa Sall, entre la date de la proclamation des résultats des élections législatives par le Conseil constitutionnel, c’est-à-dire le 14 août 2017, et celle de la levée de son immunité parlementaire, à savoir le 25 novembre 2017, est arbitraire», la Cour de justice de la Cedeao ouvre une jurisprudence très dangereuse pour les pays de la sous-région. En effet, désormais, tout condamné et écroué pour des délits graves de détournement de deniers publics ou de trafic de drogue, ayant fait recours de la sentence, peut bénéficier d’une liberté provisoire, dès qu’il est proclamé «Député élu» en attendant son jugement définitif ! Ainsi, cette décision innommable va transformer nos augustes Assemblées nationales en repères du grand banditisme, déviant de leur vocation, les institutions de représentatives nationales de nos peuples, dans lesquelles ils exercent leur souveraineté.
Cependant, les Etats qui l’ont créée comme «institution judiciaire» de la Cedeao dont ils sont membres, sont tenus, dans l’esprit d’un Etat de Droit, d’appliquer ses décisions. C’est pour cela que l’Etat du Sénégal, pour préserver sa crédibilité sous-régionale et internationale, devrait se conformer à la décision de la Cour de justice de la Cedeao, «à payer aux requérants la somme de 35 millions de francs Cfa à titre de réparation». Cette jurisprudence de la Cedeao faisant ainsi droit est dure, mais devrait être respectée tant que cette Cour ne l’abroge pas pour l’avenir, étant donné le risque de perversion de nos institutions parlementaires qu’elle comporte. Il y va de l’assainissement de nos systèmes électoraux qui ne devraient pas servir de blanchiment de délinquants.
Ibrahima SENE
Pit/Sénégal