CONTRIBUTION
Du temps où il me fut fait l’honneur de faire quotidiennement une revue de presse sur la Rfm nouvellement créée, le plaisir était alors grand d’être le relais vers l’opinion de grandes signatures, d’éditorialistes de talent et de grande culture. C’était le temps où un éditorial justifiait le vocable lui-même, et signifiait qu’il exprimait le point de vue d’une rédaction, et se devait d’avoir une congruence avec justement «La Ligne Editoriale» dudit quotidien. Soro Diop, Henriette Kandé, Habib Demba Fall, Abdoulatif Coulibaly, Ndiaga Sylla, Pape Samba Kane, entre autres esprits pertinents, posaient chaque jour et sur bien des sujets d’importance leur regard aiguisé qui faisaient le bonheur de la presse sénégalaise d’alors et alimentaient, pour les éclairer, les réflexions des lecteurs de journaux qui se comptaient alors sur les doigts de la main. Temps béni… Puis les groupes de presse devinrent des groupes de pression et j’eus alors coutume de dire que je passais plus de temps à compter les quotidiens qu’à les lire, tant ils devinrent nombreux. Et les revues de presse devinrent des «revues de presque», avec des flibustiers en guise de journalistes et des titres provocateurs en guise d’informations. Ce fut l’ère du soupçon. Le temps où l’on se devait de lire un papier à deux fois pour y déceler souvent des relents fleurant bon la commande et la corruption, voire parfois une demande d’exécution d’une personnalité.
Quelle est aujourd’hui la ligne éditoriale de certains «canards» ? Il s’agit seulement de proposer aux chalands les «Unes» les plus vendeuses, et qui sont souvent les plus choquantes. Qu’importe qu’il faille salir quelqu’un ou insulter la vérité. Le choix est clair. Parfois, que dis-je, souvent nos journalistes préfèrent être les premiers à dire une connerie qu’être les derniers à dire la vérité. Pourquoi se gêneraient-ils d’ailleurs puisque diffamer n’a aucune conséquence, et qu’on peut affirmer des fadaises, vautrés dans des approximations, juger une personne en toute désinvolture et trouver, forts de notre incompétence assumée, de troublants mais intéressés arrangements avec la vérité.
Mamadou Diagna Ndiaye n’est pas le premier sénégalais qu’une certaine presse a tenté de déconsidérer et de salir. Il ne sera pas le dernier à subir les tentatives d’extorsions de porte-plumes aux allures de révolvers, brandis par des journalistes en attente d’un drapeau blanc rémunérateur agité par leurs cibles. Monsieur Ndiaye s’est expliqué. Simplement. Parce qu’il le fallait, pour protéger ses activités sur des continents où la confiance est primordiale, et qu’aucune légèreté coupable de journaliste avide ne peut entacher. Cependant, il est clair qu’on ne prête qu’aux riches et que sous nos latitudes on ne jette des pierres que sur les arbres qui portent des fruits. C’est maladif. Diagna Ndiaye, les «fake news» ça le connaît, même si selon ses propres termes, « Il n’est bien entendu, jamais gratifiant d’être l’objet d’une allégation ou d’une imputation d’un fait inexact et totalement infondé», rappelant avoir été naguère donné pour quasiment mort à la suite d’un banal accident de la circulation avec une luxation comme il en arrive aux basketteurs. Mais là, pour cette non-affaire dite Adjani, à qui le Quotidien Libération affirme que Mamadou Diagna Ndiaye aurait offert 2 millions d’euros, geste selon le journal aux allures de blanchiment, il convient de dire que « passées les bornes, y a plus de limites ». Pourtant, comme appris dans les bonnes écoles de journalisme, il suffisait de remonter à la source, simplement. Et là, à la lecture de l’article de l’Express, hebdo français de référence, sous la plume d’un grand journaliste qui sait ce qu’enquêter veut dire, avec liberté mais responsabilité, le journaliste de Libération aurait compris comme le précise Laurent Léger, que selon le document consulté par L’Express, ce contrat réalisé «dans un cadre amical» et «dans un souci de confort financier de Mademoiselle Isabelle Adjani» matérialise un prêt sur dix ans de 2 millions d’euros, sans intérêts, payable au plus tard à l’échéance du 31 décembre 2022. La transaction a été enregistrée par le prêteur au service des impôts des particuliers non-résidents «le 1er mars 2013 sous le bordereau 2013/60», comme l’a précisé son avocat. Un bon journaliste, seulement mû par un désir d’informer, aurait constaté que ce prêt était donc parfaitement connu du fisc, qui en détient un exemplaire dans ses fichiers. Sans intention de nuire, la messe était dite… et Libération , n’avait aucune raison d’invoquer une quelconque convocation de Mamadou Diagna Ndiaye par quelque juge que ce soit, d’autant que même Isabelle Adjani, amie de ce dernier auquel elle a fait l’honneur de lui donner le rôle de parrain, du fait de leurs relations privilégiées et artistiques, dans ce cas d’espèce ne peut être incriminée pour ce fait, puisque selon le journaliste qui lui, sait de quoi il cause, «si le prêt n’alimente pas de revenus, il n’y a pas de déclaration de revenus proprement dite à remplir et que ce prêt amical ne procure pas de revenus». Full stop !!!! Mais il arrive à quelques «Maîtres de Chants», trop pressés d’entonner les refrains, de passer à côté de couplets importants, de ces couplets qui ne permettent aucune place à la cacophonie et au brouhaha qui font le lit de toutes les médisances. Et si notre compatriote, connu des sphères exigeantes des affaires, des arts et de la culture, a tenu à cette fois dire «Stop», c’est que selon ses termes d’une évidence biblique : «on ne peut pas recourir impunément aux raccourcis et aux généralisations sans altérer la vérité. C’est une imprudence dont il faut se garder». Rappelant à notre bon sens et à notre sagacité que «L’exigence de transparence, la centralité de l’éthique dans tout mode de gouvernance dans tous les secteurs d’activités socio-économiques, confèrent à chacun et à tous les mêmes droits et les mêmes obligations sans exception».
Pour que ces veuleries cessent, il est temps que les journalistes trempent leurs plumes dans cette plaie qui balafre notre profession.
Auriez-vous remarqué que des revues de presse n’existent plus. Elles ont laissé la place à des revues de titres. Ou à des «Revues de Paresse»… Question subsidiaire : Quelle est la définition de la Pudeur ? C’est éteindre la lumière avant de lire certains quotidiens.
Jean Pierre CORREA
Journaliste