Telle une patate brûlante, Karim Wade a été mis, avec la complicité de l’Etat,
dans un avion privé d’un gouvernement souverain admis aux Nations unies pour quitter le Sénégal et purger sa peine dans les lambris dorés d’un palais qatari. Et aujourd’hui qu’il veut briguer la magistrature suprême, l’Etat lui oppose sa condamnation. Une incohérence pour un jeu de cash cash ? Ou hantise du fatal mandat unique résultant d’un retour du bâton ?
Il y a beaucoup de zones d’ombre dans l’affaire Karim Wade. Des points de suspension qui commencent à intriguer à la veille de l’élection présidentielle de 2019 dont le candidat du Pds est presque exclu, à cause de sa condamnation, dit-on. Une thèse qui pousse les esprits dotés de sens à s’interroger. Car, si on est en République, comment comprendre cette levée d’écrou dont a bénéficié le fils de l’ancien chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, condamné dans le cadre de la traque aux biens mal acquis après la chute du Pape du Sopi ? En effet, il y a deux ans, le régime de Macky Sall a permis à Karim Wade de s’en aller. Il l’a sorti de prison, lui a confectionné un passeport, l’a conduit à l’aéroport, escorté par l’administration pénitentiaire jusqu’à la coupée d’un avion privé affrété par un gouvernement souverain avant de permettre son décollage. Une manœuvre qui contraste bien avec la décision du pouvoir de rejeter son inscription sur les listes électorales.
Le gouvernement se doit d’expliquer en quoi ce détenu est-il différent des autres pour bénéficier de tous ces égards ? Quelles sont les clauses de sa libération ? Pourquoi Khalifa Sall, qui est aussi condamné n’a pas de permis pour aller à Fès, au Maroc, par exemple ? Il a été fait cas qu’il n’a même pas pu rejoindre la mosquée de la maison d’arrêt de Rebeuss le jour de la Korité. En tout cas, on n’a jamais vu dans l’histoire de l’humanité quelqu’un qui sort de prison, sans s’évader, bénéficier d’une telle attention. Le peuple a donc besoin qu’on lui explique car toute la gestion de cette affaire d’Etat concourt à installer le soupçon de deal et à le nourrir comme le soutient notre confrère Mame Birame Wathie dans son livre «Affaire Karim Wade/Macky Sall : La double victimisation gagnante de Maître Wade la grande entente ?». « La disqualification du candidat Karim Wade servirait les intérêts des deux camps. Le Président Macky Sall n’aurait pas à affronter le candidat des libéraux qui, mécontents, inciteraient les leaders des autres formations à boycotter le scrutin. Pendant ce temps, les mouvements et/ou partis politiques créés par des responsables issus des flancs du Pds vont, pour certains, grandement aider le leader de l’Apr à dépasser la barre des 50% au premier tour … », écrit notre confrère. Tout se passe en effet comme si la classe politique est en train de nous jouer une grosse farce sociale-démocrate avec des coups de poing et des roses.
Rien ne tourne en rond dans cette tragi-comédie à rebondissements, digne des planches du Grand théâtre national. Un genre qui a même viré au vaudeville où des acteurs de la pièce sont très loin de deviner le dénouement de ce secret d’alcôve où la «Balance» est déréglée par celui qui la tient.
Seyni DIOP