En Gambie, le débat enfle, suite au remaniement ministériel intervenu le vendredi 29 juin 2018.
Dans un premier communiqué émanant de la State House, vendredi un peu avant midi, la nomination de Mambury Njie au poste de ministre des Finances et des Affaires économiques a soulevé de vives critiques. Plusieurs membres de l’United Democratic Party (Udp), en particulier les jeunes, se sont opposés à la décision du chef de l’Etat. Raisons avancées : Mambury Njie est un proche de l’autocrate Yahya Jammeh (1994-2016) et a été, pendant une dizaine d’années, son ministre des Finances.
D’ailleurs, l’homme a comparu devant la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les avoirs de l’ancien dictateur comme témoin. Une commission mise sur pied par le président Adama Barrow, au lendemain de son élection et qui tarde encore à livrer ses conclusions.
Les vives critiques qui ont suivi la nomination de Mambury Njie ont eu l’effet de semer le tâtonnement au sein du palais gambien. Dans un deuxième communiqué publié le même jour en fin d’après-midi, le nom de Mambury Njie a été enlevé de la liste et le poste de ministre des Finances et des Affaires économiques laissé vacant. La pression des jeunes de l’Udp, parti dont est issu Adama Barrow, a eu raison, pendant un temps, sur une nomination qui était pourtant décidée quelques heures auparavant. Mais c’était sans compter sur la ferme volonté du président Barrow de nommer M. Njie à ce poste, puisque le samedi 30 juin au matin, un troisième communiqué émanant du palais gambien l’a confirmé au poste.
‘’Ce tâtonnement au sommet de l’Etat montre à suffisance que nous sommes en face d’un président qui ne sait pas ce qu’il fait. Pourquoi amener aux affaires un homme comme Mambury Njie, alors qu’il n’a pas encore fini d’être entendu par la commission d’enquête ? Le sens voudrait que la commission de vérité et réconciliation promise au peuple soit installée et que ses résultats soient connus, les responsabilités situées, le pardon consommé, avant de décider de blanchir qui que ce soit’’, regrette un membre de la société civile gambienne joint par ‘’infosansfrontieres.com’’.
L’autre cacique de l’ancienne dictature ramené aux affaires par le président Adama Barrow, est l’actuel ministre des Affaires étrangères Momodou Tangara. Cet ancien ambassadeur de la Gambie aux Nations Unies revient à la tête de la diplomatie gambienne, un poste qu’il connait bien, pour l’avoir occupé sous Yahya Jammeh. Proche de l’ancien dictateur, Momodou Tangara, universitaire et ancien ministre de l’Enseignement supérieur, a été un fervent défenseur du régime de Jammeh. On se souvient des invectives qu’il a proférées à l’endroit d’activistes venus saboter la visite du président Jammeh aux Etats-Unis en 2016. Momodou Tangara en était même venu aux mains avec certains protestataires. Un autre fait d’armes de l’actuel chef de la diplomatie gambienne : Momodou Tangara s’est farouchement battu pour obtenir des autorités maliennes l’expulsion de Ndèye Tapha Sosseh, journaliste et ancienne secrétaire générale de la Gambiapress Union (Gpu), principal syndicat des journalistes du pays. Ndèye Tapha Socé, victime de harcèlements, avait été contrainte, par le régime de Jammeh, de s’enfuir au Mali. Tangara s’est rendu deux fois à Bamako dans l’espoir de ramener la journaliste à Yahya Jammeh.
Les présences de Mambury Njie et de Momodou Tangara sont perçues par une frange de la population comme une trahison. ‘’Nous nous sommes battus pour une Gambie libre où les citoyens peuvent s’exprimer et assumer leurs propos sans être inquiétés. Malheureusement, les bourreaux de l’ancien régime sont en train d’être recasés, au grand dam de la démocratie’’, peste Mariama, jeune activiste gambienne. Elle regrette, par ailleurs, la réduction du nombre de femmes au sein du gouvernement, passant de 4 à 2.
Vendredi dernier, le gouvernement gambien a connu un remaniement, procédant à l’éviction de la vice-présidente Mme Fatoumata Jallow Tambadiang, remplacée par Ousainou Darboe, leader de l’Udp. Adama Barrow, élu président en janvier 2017 à la tête d’un gouvernement d’union nationale, consolide son pouvoir à travers ce remaniement et éprouve de plus en plus du mal à se départir de sa formation politique d’origine, l’Udp.
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