La restitution ou le retour des objets d’arts sénégalais, transportés en dehors du continent africain, notamment en Europe par la vente, le marché de l’art, la colonisation, la spoliation ou d’autres moyens, n’est pas de sitôt.
Selon Felwine Sarr, chargé de la restitution de ces objets, il y a un calendrier sur le court, moyen et long terme à suivre car il y a «des enjeux dans la restitution». D’après lui, ce sera « quand les obstacles à la restitution seront levées et que les modalités seront discutées».
M. Sarr faisait, avec l’historienne franco-allemande, Bénédicte Savoy, un état des lieux de leurs travaux. Ils sont chargés d’étudier les critères de restitution de ces objets sur un délai de cinq ans.
Les travaux sont lancés en mars 2018. C’est après que le président français Emanuel Macron ait dit être favorable pour la restitution et le retour des objets d’arts. C’était lors de son discours à Ouagadougou. Selon les chercheurs, il s’agit notamment de statue, d’imagerie, d’objets quotidiens…
L’appel de M. Macron a abouti à la mise en place d’organisations qui vont travailler sur les critères de restitution. Emmanuel Macron avait donné cinq ans pour la mise en place des critères. Mais les chercheurs disent qu’un rapport va être présenté en novembre 2018 à l’Elysée. En juillet 2018, il est prévu une rencontre avec les directeurs des musées, dit Bénédicte Savoy. Il y a également un travail, prévu avec les marchands d’art, les galeristes, les critiques d’arts, indiquent les chercheurs
5142 pièces comptées
Quant aux premières identifications, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy estiment avoir compté «5142» objets sénégalais en consultant la base de données du Quai Branly. Ce chiffre regroupe des pièces et des photos ethnographiques. Sinon, disent-ils, c’est «3000 objets» comptés. Dans leur dénombrement, ils ajoutent qu’il y a près de 70 mille objets provenant d’Afrique. Les 53 mille étant originaires du Sud du Sahara.
Le nombre de pièces dans le musée public Quai Branly ne représente pas le nombre global, précise les historiens. En effet, les musées privés ne sont pas encore inspectés. Mme Savoy soutient que le mouvement va suivre après le public. «Il y a des chances d’avoir l’effet contagion si ça bouge dans le public», parie l’historienne franco-allemande.
Le mot «restituer» porte son sens chez les historiens. Selon les Felwine Sarr, «restituer, c’est remettre à sa place originelle. C’est ramener les objets aux espaces culturels qui les ont produits». Pour Bénédicte Savoy, «c’est restituer un bien qui est dû».
La question de la restitution des patrimoines africains avait déjà été évoquée il y a 40 ans, rappelle Bénédicte Savoy. Amadou Mactar Mbow, ex-fonctionnaire de l’Unesco, avait posé le débat dans les années 60. «Cette fois, il faut que ça marche», indique Mme Savoy. D’après Felwine, les objets sont hors du continent depuis plus de 150 ans.
Les chercheurs ont espoir que ces objets auront un impact dans la mémoire des pays d’origines.
D’après Malick Ndiaye, directeur du musée Theodore Monod, le retour sera une manière de «restituer une mémoire, une histoire, un patrimoine». Il illustre, par exemple, que le filet du pêcheur traduit une technologie, un génie créateur, une science. M. Ndiaye ajoute que les objets reviendront dans leurs milieux que sont les musées africains. Pour lui, ce sera «une occasion de trouver des alternatives pour nous reconnecter (les Africains, Ndlr)». En effet, ces objets ont pris un autre sens dans les musées. Ils passent, par exemple, du statut d’objet de culte à celui d’art, dit Mme Savoy. Qui martèle que la restitution va «remettre la mémoire à sa place». A l’en croire, il y a une dimension esthétique, scientifique, dans ces pièces qui permettront de reprendre contact avec les connaissances des pays d’origine. D’après elle, «il faut rétablir l’équilibre. Personne ne veut des trésors, arrivés dans des conditions de violence».
Les historiens, par la voix de Felwine Sarr, espèrent que les objets seront de retour dans un «espace de temps raisonnable».
Emile DASYLVA