Il n’avait que 26 ans et tenait à percevoir sa bourse d’études, parce que devant nourrir une femme et un enfant.
Mais à la place de ce pécule, Mohamed Fallou Sène a reçu, hier, une balle réelle au niveau du bassin et est passé très vite de vie à trépas. Ce fut dans un campus social de l’Ugb mis à feu et à sang, au cours d’échauffourées entre étudiants et forces de sécurité ayant également occasionné une trentaine de blessés, dont deux (un étudiant et un gendarme) étaient hier dans une situation critique.
SAINT-LOUIS – Pour avoir manifesté avec ses camarades contre le retard dans le paiement des bourses d’études, Mohamed Fallou Sène est tombé hier, dans le campus social de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, sous les balles des gendarmes. Cet étudiant en 2ème année Lettres modernes de l’Ufr des Lettres et Sciences a été tué lors des échauffourées qui ont opposé les étudiants voulant manger gratis au restaurant universitaire et les forces de l’ordre dépêchées sur les lieux, à la demande des autorités rectorales, pour les en empêcher. Agé de 26 ans, marié et père d’un garçon, cet originaire de la région de Diourbel est passé de vie à trépas, pour avoir été atteint mortellement au bassin par balle. Ainsi, Saint-Louis a vécu hier une matinée pas comme les autres. Avec l’hôpital régional et les abords immédiats de la structure hospitalière bondés de policiers armés jusqu’aux dents. Pendant que certaines infrastructures étatiques comme la Senelec, la Sonatel, la préfecture et la gouvernance, entre autres, étaient surveillées comme du lait sur le feu. Le pont Faidherbe était également sécurisé par les services de l’ordre et de sécurité. C’est le spectacle désolant qu’a offert hier l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française (Aof), suite à l’altercation entre les hommes en bleu et les étudiants de l’Université Gaston Berger.
Ainsi, il y a bien eu décès dans les rangs des étudiants à l’hôpital au plus fort de la tension alors qu’on épiloguait, hier, sur le cas d’un étudiant gravement blessé et qui se trouvait en réanimation. Autre blessé admis en réanimation, le gendarme Pape Malick Diop dont le diagnostic vital était annoncé. Et selon plusieurs sources concordantes, c’est bien une balle réelle qui a atteint le pensionnaire de Sanar, Mohamed Fallou Sène. Cependant, le rapport d’autopsie, attendu au courant de la semaine, devrait éclairer davantage la lanterne des Sénégalais. D’ailleurs, son corps a été acheminé à Dakar hier, en fin d’après-midi, pour les besoins de cette autopsie. Au décompte final, une vingtaine d’étudiants et une quinzaine de gendarmes ont été blessés, à l’issue de ces échauffourées. Sitôt la bavure policière constatée, les étudiants, comme s’ils s’étaient passé le mot, ont rué dans les brancards et manifesté, avec l’énergie du désespoir, leur dégoût. Tout ce qui symbolise l’Etat sera ainsi la cible des «sanariens». Le rectorat et le Crous seront saccagés, sans oublier certains édifices publics installés au sein du temple du savoir et des véhicules en stationnement.
Parmi les dégâts collatéraux, le siège de l’Usaid Neema, sis au quartier Ngallèle, a été attaqué sans grand dommage, toutefois. Le personnel a eu les mots justes pour raisonner et calmer l’ardeur des milliers d’étudiants surexcités. Auparavant, les pensionnaires de Sanar venaient juste de mettre sens dessus dessous le domicile du Pr Mary Teuw Niane construit à Ngallèle, après avoir barré la nationale 2 et brûlé des pneus. Ils ont, ainsi, certainement voulu terminer en beauté leur procession guerrière tout le long de cette artère très passante. Pour l’heure, un calme apparent règne à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, à l’hôpital régional et sur toute l’étendue de la capitale du Nord. De l’avis de bon nombre de Saint-Louisiens et autres observateurs, les pouvoirs publics gagneraient à accorder plus de sérieux et d’attention à la lancinante question du paiement des bourses. A en croire nos interlocuteurs, pareille situation n’aurait jamais eu lieu si les autorités compétentes avaient pris le taureau par les corners à temps.
Gabriel BARBIER