Commissaire de police à la retraite, Boubacar Sadio revient sur les fondamentaux en matière de maintien et de rétablissement de l’ordre public. Le prétexte, c’est la mort par balle de l’étudiant Mohamed Fallou Sène hier à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis.
L’intervention armée en milieu estudiantin est-il recommandée, en matière de maintien de l’ordre ?
L’usage de balles réelles par les forces de l’ordre en matière de maintien et de rétablissement de l’ordre public n’est pas indiqué. Ce n’est pas souhaitable. Ce qui a conduit à la mort du jeune étudiant Mohamed Fallou Sène est déplorable, même si pour l’instant je n’en connais pas encore les tenants et les aboutissants. Mais si l’on discute des principes d’une manière générale, sans se focaliser sur ce cas bien précis, il faut admettre que les gendarmes auraient dû éviter d’utiliser des balles réelles en de pareilles occasions, en vertu du principe de la graduation dans l’intervention. Il y a aussi des formalités à suivre, en passant notamment d’abord par la sommation qui consiste à tirer des coups en l’air, pour inviter son vis à vis à obéir aux instructions.
Ces nombreuses bavures policières traduisent-elles un déficit de formation?
C’est un professionnel qui doit faire le maintien de l’ordre. Au sein de la Police nationale par exemple, la formation à l’Ecole nationale de police est suivie d’un stage et d’une pratique de trois ans avant la confirmation. Il faudra sensibiliser les forces de défense et de sécurité sur ces questions et surtout insister sur la formation, notamment en ce qui concerne le respect des dispositions légales et conventions internationales qui interdisent tout traitement cruel, inhumain et dégradant.
L’intervention d’auxiliaires tels que les Asp, ne conduit-t-elle pas souvent à certaines dérives?
L’intervention du personnel non professionnel est formellement interdite. Pour le cas des Asp (agents d’assistance à la sécurité de proximité, Ndlr) que vous venez de citer, ils ne doivent pas intervenir dans certains cas. Ils ne doivent pas par exemple saisir le permis d’un conducteur encore moins de porter l’uniforme d’un corps habillé, comme on le voit souvent dans la circulation. Cela pose même la question de l’utilisation des auxiliaires et des élèves de l’Ecole de police par déficit de personnel.
Comment apaiser les relations tendues entre étudiants et forces de l’ordre ?
Quel que soit l’arsenal dont dispose le pays, le dispositif les forces ne peut pas tenir devant une population en furie. Que les policiers et les gendarmes sachent qu’ils peuvent avoir un adversaire du moment, mais jamais un ennemi. Cela peut permettre d’amoindrir les dégâts collatéraux. Il faut envisager, en temps de paix, une plateforme de rencontre régulière entre les étudiants, les forces de l’ordre (police et gendarmerie), le rectorat, le préfet en tant que responsable de l’ordre public. Il faudra le faire en situation de paix pour ainsi anticiper sur certaines situations. Les étudiants et les policiers se regardent en chiens de faïence, alors que nous appartenons au même environnement social et de la même population. Il est urgent d’inventer une autre façon de résolution des conflits.
Propos recueillis par Pape NDIAYE