Dans un texte très remarqué de The Atlantic, le célèbre écrivain et journaliste noir Ta-Nehisi Coates revient sur les propos du rappeur Kanye West, qui a déclaré que l’esclavage était “un choix”.
C’était le 1er mai, lors d’une interview accordée à l’animateur Charlamagne tha God. Kanye West déclarait son “amour” pour Donald Trump et estimait : “quand on entend parler de l’esclavage pendant quatre cents ans… quatre cents ans ? Ça ressemble à un choix.” Après cette sortie de route du rappeur américain, l’écrivain Ta-Nehisi Coates, connu notamment pour son livre Une Colère noire, a pris la plume dans The Atlantic pour livrer une réflexion personnelle sur cet épisode et sur le destin des icônes noires aux États-Unis.
Kanye West, figure dominante de la scène hip-hop depuis plus de quinze ans, est “un dieu de notre temps”, souligne Coates – un “dieu noir” comme l’a été avant lui Michael Jackson. Et si Jackson “mourait d’envie d’être blanc”, Kanye West montre qu’il désire lui aussi “la liberté – la liberté des Blancs”, écrit l’auteur. Celle de pouvoir dire : “Je ne suis pas Noir, je suis Kanye”, pour reprendre le titre de l’article.
Le poids des attentes des Noirs américains
“Ce que recherche Kanye West, c’est ce que recherchait Michael Jackson – être libéré des diktats du ‘nous’”, c’est-à-dire de la communauté africaine-américaine, affirme Ta-Nehisi Coates.
Ce désir est lié aux attentes considérables qui entourent les artistes africains-américains. “Pour les artistes noirs, la célébrité pèse plus lourd car ils viennent de communautés ayant désespérement besoin de champions”, explique l’écrivain.
La mort de Kurt Cobain fut une tragédie pour ses fans. Celle de Tupac Shakur l’aura été pour un peuple entier.”
Ta-Nehisi Coates revient sur sa propre expérience d’auteur. Le succès de son livre Une Colère noire a compliqué sa vie, l’a rendu paranoïaque et l’a plongé dans un profond isolement social. “Que serais-je devenu si ma renommée avait été plus grande ?” se demande-t-il.
Une tribune offerte aux conservateurs
Si l’écrivain cherche à comprendre les ressorts des propos de Kanye West, il ne les excuse en aucune façon. En adoubant Donald Trump, le rappeur choisit la “collaboration” avec les “conquistadors et les colonisateurs” qui ont dominé l’histoire américaine, au détriment des Amérindiens et des Noirs.
Si l’auteur défend un droit à l’ignorance, il considère l’influence de West trop importante pour que ses déclarations ne prêtent pas à conséquence. La superstar “offre à la rhétorique du mouvement conservateur son approbation et son audience sur Twitter, de quelque 28 millions d’abonnés”.
Et Ta-Nehisi Coates de conclure :
“Ce sont les jeunes des classes méprisées de l’Amérique qui en paieront le prix : les enfants séparés de leurs parents à la frontière, les femmes qui luttent pour garder le contrôle sur les organes reproducteurs de leur propre corps, le soldat transgenre qui se bat pour son travail, les étudiants qui n’osent pas rentrer chez eux par crainte du décret anti-immigration.”
Ces jeunes Américains, conclut l’auteur, sont justement “les plus ardents fidèles de West, les fragments morcelés de l’Amérique, ses immondices, qui ont rendu possible le dieu Kanye”.