CHRONIQUE DE WATHIE
La diplomatie alimentaire, que le president Macky SALL entretient depuis qu’il est élu, coute très cher à la diaspora sénégalaise. Ces derniers jours, le ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur s’est transformé en agence d’annonces nécrologiques. Cette semaine, plus que les jours précédents, les services de Sidiki KABA se sont fendus de trois communiqués annonçant la mort, dans des conditions abominables, de quatre Sénégalais vivant à l’étranger. Prompt à confirmer les morts et les rapatriements, l’Etat se déresponsabilise et ne met rien en amont pour protéger cette diaspora qui rapporte annuellement des milliards de francs CFA au Sénégal.
Le communiqué du ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur n’a pas manqué au rendez-vous. Les sanglots et les complaintes des parents et proches de la victime ont fini par pousser le gouvernement du Sénégal à confirmer, ce dimanche, l’assassinat de Mansour Nalla BA en République démocratique du Congo. Trois jours avant, un fourgon de la police française percutait mortellement Ismael DEH. Presque au même moment, Issaga DIALLO et Cheikh GUISSE qui se faisaient calciner en Centrafrique. Ces tueries, qui ne sont que le dernier cas d’une série de maltraitances exercées sur les Sénégalais de l’extérieur, ont un dénominateur commun. Elles se sont déroulées dans des pays avec qui le Sénégal entretient des relations de défense particulières. 270 officiers et sous-officiers sénégalais sont en RDC dans le cadre de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO). En Centrafrique, ils sont plus de 300 policiers et militaires sénégalais mobilisés pour la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA). Pour ce qui concerne la France où Ismael DEH a trouvé la mort, il est inutile de revenir sur ses relations avec notre pays. Ismael DEH qui y a passé dix-huit ans a tenté de fuir dès qu’il a aperçu la police.
L’Etat du Sénégal ne peut pas assurer à chacun de ses citoyens la protection qui sied à sa situation. Il n’est pas non plus possible de demander à ces centaines de militaires sénégalais éparpillés dans le monde de protéger leurs compatriotes. La défaillance de l’Etat est à chercher dans la gestion de ces affaires et le peu de respect et de considération que les pays où ces Sénégalais sont martyrisés lui vouent. Il n’est certainement pas attendu des services de Sidiki KABA des annonces faisant état de sénégalais tués en passe d’être rapatriés des Etats-Unis ou de la Libye. Pourtant, tout porte à croire que c’est le cas. De nombreux émigrés sont persécutés, violentés, s’ils ne sont pas tués comme des pigeons. Et à chaque fois, des enquêtes sont annoncées sans que les auteurs ne soient punis à la hauteur des actes qu’ils ont perpétrés. Qui peut croire que la lumière sera faite sur la mort de Mame Mbaye NDIAYE tué en Espagne, comme l’a déclaré Me Sidiki KABA ? Sinon le meurtre de Mor SYLLA survenu, le 10 aout 2015, en Espagne serait déjà élucidé. Au lendemain de la mort de ce vendeur à la sauvette originaire de Mbour, la police espagnole a déclaré qu’il s’était suicidé en sautant par la fenêtre. Une version contestée par les voisins de la victime qui n’avaient pas hésité à déclarer que Mor SYLLA a été poussé dans le vide par les policiers espagnols. Rien de concret ne s’en est suivi. L’agression sauvage de Charles Paul Alphone NDOUR, tué, en aout 2014, de plusieurs coups de couteau avant d’être jeté dans la rue, est encore dans les mémoires de beaucoup de Sénégalais. Avant Charles NDOUR, c’est Ismaëla FAYE qui est poignardé à mort par un Marocain qui lui demandait de lui céder sa place dans un bus. Plus tard, au mois d’avril 2015, ce sont trois étudiantes sénégalaises qui sont retrouvées mortes dans leur appartement à Casablanca. Des sanglots, des complaintes puis un murmure laissant place au silence.
Tous ces Sénégalais sont morts au Maroc. Pourtant quand le Marocain Mazine Chakiri a été tué au Sénégal au début du mois de février 2017, les policiers sénégalais n’ont pas mis une semaine sans mettre la main sur les agresseurs auteurs présumés du meurtre. Pour les secouer, c’est l’ambassadeur du Maroc au Sénégal, Taleh Barrada, qui s’est rendu à la Zone B où Mazine Chakiri a été tué. Et à l’occasion, il n’a pas manqué de faire des observations peu diplomatiques en déplorant notamment le retard des secours. Le lendemain, tout ce que le Sénégal compte comme Marocains est descendu dans les rues pour manifester.
Une posture que le gouvernement du Sénégal semble incapable à tenir. Au lendemain de la mort de Mame Mbaye NDIAYE, le général Mamadou SOW, ambassadeur du Sénégal en Espagne, a été tiré de son lit par des émigrés en colère. Et, ils sont nombreux les Sénégalais de l’extérieur qui s’estiment totalement abandonnés par le Sénégal qui ne leur est d’aucun soutien. Pourtant, les directions censées être au service des Sénégalais de l’extérieur pullulent sans que la diaspora ne s’en porte mieux. Ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Direction générale des Sénégalais de l’extérieur, Fonds d’Appui à l’Investissement des Sénégalais de l’Extérieur (FAISE), Direction de l’Appui à l’Investissement et aux Projets et le Bureau d’Appui, d’Orientation et de Suivi des Sénégalais de l’Extérieur (BAOS), Direction de l’assistance et de la promotion des Sénégalais de l’extérieur… Un trop plein de services dédiés à la diaspora sans compter les nombreuses représentations diplomatiques du Sénégal dans le monde et qui ne semblent exister que pour représenter le chef de l’Etat dans ces pays. En Libye, c’est l’Organisation Internationale des Migrations (OIM) qui s’est activée pour aider 170 Sénégalais à quitter l’enfer tripolitain au mois de juin dernier.
En plus d’opter pour une diplomatie alimentaire lui empêchant de tenir un discours de vérité aux autorités des pays dans lesquels les Sénégalais sont malmenés, le Sénégal désigne ses diplomates non pas en fonction de leur compétence mais de leur proximité avec le président. Si ce ne sont pas des militaires à la retraire, ce sont des politiciens loin des préoccupations de leurs compatriotes. Pourtant, ces travailleurs de la diaspora participent fortement au développement du Sénégal et réchauffent des milliers de foyers. Rien qu’en 2017, ils ont envoyé au Sénégal 1 103,8 milliards de francs Cfa, 971,4 milliards en 2015. A défaut de pouloir encourager cet apport considérable à l’économie, l’Etat a l’obligation de protéger ses fils, qu’importe le lieu où ils se trouvent.
Mame Birame WATHIE