CHRONIQUE DE WATHIELes enseignants ont donc pris pour argent comptant les engagements de Macky SALL et ont procédé à la suspension de leur mot d’ordre de grève. Ce lundi, très loin du Président, ils ont parafé un protocole d’accord sur six points avec le gouvernement. Un grand ouf de soulagement pour le régime, un retour à la case de départ pour les enseignants, une catastrophe pour les élèves et un camouflet pour les institutions de la République supplantées par une Marème Faye SALL, usurpatrice de fonction.
Le régime de Macky SALL est parvenu in extremis à « sauver » les meubles. Bien que mouvementée, l’année scolaire ne sera pas invalide encore moins blanche. La suspension de la grève des enseignants, annoncée par le porte-parole du gouvernement, a été matérialisée, ce lundi 30 avril, par les deux parties à travers la signature d’un protocole d’accord. Celui de 2014, désormais rangé dans les tiroirs de l’oubli, les enseignants en ont parafé un autre comportant six points.
Pour parvenir à ce que certains qualifient d’ores et déjà d’issue heureuse, la République a été chambardée, un nouvel ordre protocolaire défini. Mis au placard par le Premier ministre, Serigne Mbaye THIAM a voulu revenir en force en s’improvisant porte-parole des grévistes. Son annonce de la suspension de la grève du G6 l’a délesté du peu de crédibilité qui lui restait. Le ministre de l’Education nationale placardé, Mahammed Boun Abdallah DIONNE qui lui avait pris le témoin l’a très vite remis au chef de l’Etat qui a, lui-même, rencontré les enseignants pour négocier. Macky SALL n’ayant pas réussi à faire entendre raison les enseignants, Marème Faye SALL s’active en dernier lieu. « Après les avoir rencontrés, la Première dame les a introduits auprès du chef de l’Etat qui, avec le Premier ministre, les a reçus audience. Quand les négociations ont échoppé sur la question de l’indemnité, les techniciens du ministère des Finances ont été convoqués pour procéder à des réajustements budgétaires (…) », explique un enseignant qui a pris part à la rencontre entre la première dame et les grévistes.
L’image que les supporters de Marème Faye SALL tentent de renvoyer est que la « Première dame » a réussi là où l’exécutif et les médiateurs, le Khalife général des tidianes y compris, ont échoué. Seulement, pour certains enseignants, la supercherie est trop manifeste pour manquer d’être signalée. « La Première dame n’est pas investie d’une mission officielle qui lui permet d’intervenir à ce niveau avec le ministre des Finances pour proposer une solution de sortie de crise. Maintenant, ils ont voulu faire du saupoudrage, en l’enveloppant du sceau de la présidence de la république, pour dire que c’est que le président de la république qui les a reçus. Même si c’est le président de la république qui les a reçus, c’est bien après les manœuvres de la Première dame. Nous décrions ces faits parce que nous sommes dans une république», a réagi Dame MBODJ, secrétaire général de la Fédération des enseignants du Sénégal (FEDER).
Le gouvernement, toute fierté mise à côté, peut se gargariser d’avoir sauvé l’année scolaire. Mais au vu de ce qu’il a posé sur la table, il n’est absolument pas à écarter que les enseignants reviennent un de ces quatre à la charge avec les mêmes doléances : le respect des accords signés. Si les syndicalistes avaient demandé aux responsables politiques, ils hésiteraient davantage avant de se fier aux engagements de Macky SALL. D’autant qu’eux-mêmes en ont déjà fait les frais. En effet, si leur mouvement a pris une telle ampleur, c’est parce que le gouvernement n’a pas daigné respecter les accords de 2014 qu’il disait pourtant « réalistes et réalisables ». Pourquoi respecter les engagements de 2018 si ceux de 2014 ne l’ont jamais été. En outre, certains membres du G6 n’ont accepté de suspendre la grève que pour sauver la cohésion du mouvement syndical enseignant. «Nous ne sommes pas satisfaits mais nous avons pris acte. Notre combat c’était pour l’équité, la justice sociale. Nous considérons que les propositions ne sont pas satisfaisantes. Le CUSEMS a proposé la somme de 100 mille pour le niveau du bac, 125 mille pour le bac+2, 150 mille pour la licence et enfin 200 mille pour la maitrise plus 2 ans. Malheureusement, c’est une étude que le gouvernement nous a proposée», s’est résigné le prolixe Abdoulaye NDOYE, secrétaire général du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (CUSEMS).
Une réaction qui témoigne de la forte pression exercée sur les syndicalistes. Acculés par les bien-pensants de la République, qui, sans ménagement, les accusent de vouloir sacrifier les élèves, qui feront à n’en pas douter les frais d’une année scolaire colmatée, Abdoulaye NDOYE et ses camarades du G6 ont différé le combat. En lieu et place du système, ils ont « sauvé » l’année scolaire.
Mame Birame WATHIE