CONTRIBUTION
Après le défilé du 4 avril à Thiès, Idrissa Seck a fait une déclaration à propos de Karim et d’Abdoulaye Wade qu’il faut comprendre dans sa dimension strictement «familiale» en dehors de toute considération politique. C’est auparavant sur les ondes de Rfi qu’Idrissa Seck dit au sujet du président Wade et de son fils quelque chose de facilement compréhensible pour tout habitué de son discours sur lequel on sait le poids énorme du «Livre» et du «daara» : «J’ai retrouvé en lui le père, j’ai retrouvé en Karim le frère. Qu’il me soutienne ou pas, qu’on s’entende ou pas sur le plan politique, c’est ma responsabilité et mon engagement de restaurer sa dignité. Pas pour sa personne, mais pour le bénéfice du Sénégal». Le propos est clair, il n’a aucune connotation politique, mais une dimension purement «familiale». Et il rappelle tellement la parole du Prophète de l’islam rimant parfaitement avec notre tradition bien sénégalaise du «kollëré» et de «jokk mbokk» : raffermissement constructif des liens familiaux et sociaux malgré les turbulences et les péripéties des relations humaines dépassables par la seule vertu du pardon, chemin vers l’universel.
Je reste persuadée que sans le citer, Idy s’est inspiré de l’enseignement du Prophète de l’islam (Psl) : «Donne à celui qui t’a privé, renoue avec celui qui a rompu avec toi (maintien du lien) et pardonne à celui qui a été injuste envers toi». En agissant ainsi, de manière familiale, envers son «père» Abdoulaye Wade et son «frère» Karim, Idrissa Seck n’aurait-il pas, simplement, et sans aucun calcul politique fait sienne l’autre célèbre parole de Cheikhoul Khadim envers ceux qui l’ont «persécuté» des années durant : «Afawtu anil a’adâ’i turran» : j’ai pardonné à tous les «ennemis» !
En plus, la maîtrise du champ lexical et de l’environnement mental du locuteur fait partie des clés de toute lecture qui se voudrait compréhensive. Il faut, parfois, connaître l’homme pour le lire et l’écouter. En tant qu’analyste politique ayant suivi avec intérêt, la dernière visite d’Idrissa Seck à Touba, dix jours durant, dans les grandes concessions mourides à travers les daaras et auprès des dignitaires religieux, on peut aisément mesurer la grande influence des enseignements de Serigne Touba sur son état d’esprit et ses attitudes, surtout si on fait le lien avec sa «philosophie de la non-violence chez Cheikh Ahmadou Bamba» telle que brillamment étudiée par l’inspecteur de l’éducation, Serigne Same Bousso.
Il est sûr que la prise en compte de cette dimension compréhensive et herméneutique dans l’analyse du discours politique pourrait aider à sortir du manichéisme simplificateur et souvent déformateur des messages pourtant bien intentionnés ! Mais faudrait-il que l’envie de l’effort, l’objectivité malgré le désaccord animent toujours les analystes de quelques bords…. qu’ils puissent être !
Soukeyna FALL
Journaliste
Analyste politique
Leiden (Pays Bas)