A deux semaines de la fin de la campagne de commercialisation de l’arachide, les paysans sont en train de brader leurs stocks.
Dans les trois arrondissements du département de Bounkiling dans le Nord de la région de Sédhiou, sous l’emprise de la précarité sociale et économique, les paysans cèdent leurs graines à 150F CFA le kilogramme alors que le prix au Kg est fixé cette année à 210 francs. Le cadre régional de concertation des ruraux (Crcr) de Sédhiou tire la sonnette d’alarme et atteste que la situation est quasi générale en milieu rural. Dans d’autres localités, informe le président du collectif des producteurs et exportateurs de graines d’arachide (Copega), avec l’apparition de l’insecte bruche, les paysans qui disposent toujours d’un stock considérable , sont obligés de se débarrasser de leurs graines.
SEDHIOU : Les villages de Bounkiling bradent leurs graines à 150F le kilogramme
La campagne de commercialisation arachidière est des plus pitoyables cette année pour les producteurs des trois arrondissements du département de Bounkiling dans le nord de la région de Sédhiou. Etouffés par l’enclavement routier et tenaillés par le chantage des acheteurs sous l’emprise de la précarité sociale et économique, les paysans cèdent leurs graines à 150F CFA le kilogramme et le sac acquis à leurs frais. Le cadre régional de concertation des ruraux (CRCR) de Sédhiou tire la sonnette d’alarme et atteste que la situation est quasi générale en milieu rural.
La précarité sociale et économique devient de plus en plus intenable en milieu rural dans la région de Sédhiou. Les zones enclavées et d’accès difficile sont les plus vulnérables. Très peu de véhicules y passent et les transactions économiques sont presque nulles à l’exception de quelques modiques achats de subsistance comme les légumiers pour le repas quotidiens. Cette situation en est déjà de trop pour les pauvres producteurs et chefs de carré à assurer la ration alimentaire. Conséquence, ceux qui ont encore entre les mains des graines d’arachide procèdent sans délai au bradage. A Madina France, village situé à la lisière de la frontière avec la Gambie dans le département de Bounkiling en plein cœur du Kabada, le producteur Babacar Diop raconte avec chagrin la vente à vile prix de leurs graines à un camionneur qui s’est présenté à eux, il y’a trois semaines aux environs de 20 heures. «C’est rare de voir les camions arriver ici tellement la zone est enclavée. Nos graines sont toujours sans acquéreur alors que nous avons cultivé pour subvenir à nos besoins et dans la dignité. Hélas, face aux charges familiales et sans perspectives immédiates, nous sommes obligés de vendre à perte nos graines. Ce camionneur est arrivé ici il y’a exactement trois semaines avec une orientation très claire et nette : j’ai 150F CFA pour payer le kilogramme de votre arachide et il vous appartient de trouver des sacs vides à vos frais» dit-il. Et Babacar Diop de s’étaler sur les raisons de ce bradage de l’arachide dans la zone du Kabada et du Dator : «nous avons des besoins immenses aussi bien dans le secteur de l’éducation que de la santé de nos proches ; et face à certaines situations, on est obligés de vendre à vile prix nos produits et restés dignes dans la pauvreté. Nous demandons aux pouvoirs publics de construire les voies qui mènent à vos localités car l’enclavement est à l’origine de toutes les formes de spéculations et de surenchères économiques». Attestant les allégations du producteur Babacar Diop de Madina France, Mamadou Korka Diao le président par intérim du cadre régional de concertation des ruraux de Sédhiou (CRCR) de Sédhiou déclare : «Ce n’est pas qu’à Madina France où les paysans vivent la galère d’une mauvaise campagne de commercialisation arachidière. La situation est assez préoccupante dans les trois arrondissements du département de Bounkiling à savoir Bona surtout dans la commune chef-lieu d’arrondissement, à Diaroumé et à Bogal». «Les paysans qui ont déjà collecté leurs graines ne trouvent pas d’acheteur du fait du mauvais état ou par endroit de l’inexistence de route. Les prix de cession varient entre 150F et 180F alors que le plafond est de 210F le prix du kilogramme d’arachide», a indiqué Mamadou Korka Diao du CRCR de Sédhiou.Les producteurs disent avoir un réel besoin de matériels agricoles et un accompagnement technique pour relever les défis de la lutte contre la pauvreté dans la région de Sédhiou.
OLDA : Les Producteurs laissés à eux-mêmes
La campagne arachidière est celle de toutes les difficultés. Sans argent, les opérateurs privés stockeurs qui ont démarré avec leur propre fonds sont aujourd’hui bloqués. La SONACOS paye par compte-goutte. Une grande partie de la production attend acquéreur. Les techniciens n’en parlent plus au moment où le ministre de l’agriculture et de l’équipement rural parle d’une campagne des meilleures du monde.
La campagne de commercialisation arachidière a été des plus mauvaises. Beaucoup de producteurs ont été obligés de brader leur récolte, tenaillés qu’ils sont, par les besoins mais aussi de craintes de voir le fruit de leur labeur détruit au dernier stade. La doléance est revenue un peu partout durant les rencontres sous forme de Ziarra «faut acheter les arachides» ont supplié les chefs religieux. Même durant le dernier Dakka de Madina Gounass, le chef de l’état a été interpellé sur le sujet. Au Fouladou, tous les acteurs de la filière arachide râlent. Les producteurs qui détiennent encore près de 40% de leur arachide en attendant un quelconque acquéreur. Les opérateurs privés stockeurs qui ont livré et attendent que la SONACOS paye pour continuer à collecter. Les techniciens ne souhaitent pas communiquer sur le sujet pour l’instant. Elhadji D Correa un des responsables des OPS de Kolda reconnait que la campagne est plombée par le manque de financement. Beaucoup de factures sont en souffrance du côté de la SONACOS. Et les interpellations sont le quotidien des producteurs souhaitant se débarrasser de leur stock. Il donne le cas du département de Vélingara où un seul opérateur était sur le terrain. Il est aujourd’hui plombé car n’ayant pas pu récupérer une facture de près de 45 millions du côté de la Sonacos. Pire, aucun opérateur stockeur agréé à Kolda n’a encore reçu un franc pour l’achat des semences. Un travail qui devait se faire depuis février. Les paysans risquent de se retrouver aux meilleurs des cas avec des semences tout venant.
DIOURBEL : Les prévisions de collecte de 45 000 tonnes atteintes
La campagne de commercialisation de l’arachide tire à sa fin. L’usine de la Sonacos Sa impliquée dans la campagne de collecte a déjà atteint ses objectifs de collecte de 45 000 tonnes de graines. Les camions sont orientés au niveau de l’usine Lydiane de Kaolack. Sur l’ensemble de la région de Diourbel, il n’y a que le seul point de collecte de la localité de Tenefoul dans le département de Diourbel. Là, les prévisions de collecte ont été déjà atteintes. Conséquence : les producteurs qui n’avaient pas pu vendre leur production étaient obligés de l’écouler au niveau du marché parallèle. La quantité de graines récoltées au niveau de Diourbel est souvent absorbée par le marché de Touba et est destinée à la consommation locale. Les unités de transformation de l’huile artisanale pullulent comme des champignons.
HABIB THIAM, PRESIDENT DU COPEGA : «Il y a bradage car la moitié de la production est toujours entre les mains des paysans »
« J’avais fait l’alerte, il y a un mois de cela pour informer le gouvernement de l’apparition d’un insecte appelé bruche qui ravage la production. A cause de cette menace de contamination, il ne restait plus aux paysans que de brader leurs productions sinon ils risquent de perdre 60 à 70 % de la production. Donc, la seule solution pour le paysan c’est de vendre son stock pour s’en débarrasser. Ce qui est le cas actuellement. Moi-même qui vous parle, 30 tonnes de mon stock se sont volatilisées. Ce sont des choses qui sont avérées. Donc, on a plus un autre choix que de brader notre production. La campagne est mortelle pour nous parce qu’il y a une grosse erreur de la part du gouvernement qui dit qu’il y a 1 millions 411 mille tonnes de production et si on fait le cumul de la réception des huileries et le cumul des semences exportées, ajoutées aux réserves de semences que le gouvernement avait octroyé aux Ops, on n’est même pas à 700 mille tonnes de graines. Il y a au moins la moitié la production qui est entre les mains des producteurs. C’est un fait qui est là, compte tenu des déclarations qui sont des statistiques faites par le gouvernement, il y a toujours un stock considérable entre les mains des producteurs. C’est dommage si ces stocks sont menacés par la bruche. Dans ce contexte, si on parle de bradage, on ne peut pas le nie. J’avais même demandé, il y a un mois au gouvernement, de prendre des mesures pour au moins aider les paysans à mieux conserver leurs graines. Mais, à chaque fois, il y a des déclarations consistant à dire que «ça marche». Alors que ce n’est pas ce qui est constaté sur le terrain ».
Sud Quotidien