Le procès des 30 présumés terroristes a été l’occasion d’une passe d’armes entre le procureur et la défense.
Me Etienne Dionne a accusé le représentant du ministère public de vouloir enfoncer son client, Saliou Ndiaye, à travers certaines questions pièges. Un incident d’audience qui a conduit une suspension avant l’heure.
Au quatrième jour du procès Imam Ndao et Cie, hier jeudi 12 avril 2018, les débats ont été houleux entre la défense et le représentant du ministère public. Tout est parti d’une question du substitut du procureur de la République, Aly Ciré Ndiaye, de connaître les relations entre l’accusé Saliou Ndiaye et l’imam Ndao. Ce dernier lui sert comme réplique. «Je me suis rapproché de lui à travers ses prêches que j’aimais beaucoup. J’appréciais sa manière de traiter les actualités au quotidien. Je priais toujours dans sa mosquée. C’est quelqu’un de droit et il n’indique que le droit chemin. C’est pourquoi j’avais fait allégeance à lui. Il m’invitait à manger chaque fois dans sa maison car on habitait côte à côte», a répondu l’accusé. Non satisfait par ces réponses, le procureur revient à la charge. Mais l’accusé ne cède pas. «J’apprécie les prêches et ses recommandations de l’imam. Mais je n’ai jamais eu de rapport étroit avec lui. Cela ne m’a pas poussé à le fréquenter», s’est contenté de dire le jeune Saliou. Ce qui a fini par mettre Me Etienne Dionne dans tous ses états. Fâché, il accuse le maître des poursuites de vouloir enfoncer son client, à travers certaines questions pièges. «C’est parce que l’imam ne vous a pas invité à diner chez lui que vous cherchez à nuire à mon client. Tout le monde a compris votre stratégie. Il n’est pas obligé de vous raconter les circonstances de ses rapports stricts avec imam Ndao», laisse-t-il entendre.
Sentant les débats prendre une autre tournure, le juge intervient pour calmer les deux parties. «Ce n’est pas à vous de diriger le débat. Votre réaction de tout à l’heure est incompréhensible. Ce n’est pas à vous d’apprécier, c’est au tribunal. Si je dis au procureur que le prévenu a répondu à votre question alors, il a compris». L’anecdote qu’a voulu raconter Saliou Ndiaye a subitement conduit à la suspension de l’audience avant même l’heure prévue. Alors qu’il se souvenait d’un jour, où on avait surpris un jeune en train de voler chez l’imam Ndao, l’épilogue n’est pas arrivé à son terme à cause de ses pleurs. «On l’a attrapé avant de le conduire auprès de lui. Une fois chez imam, il ne l’a même pas frappé. Pour le sanctionner, imam a conduit le voleur dans ses champs et lui a demandé de travailler», narre l’accusé. Selon lui, à l’heure du déjeuner, l’Imam l’a invité chez lui pour qu’il mange. «Le mis en cause a refusé et il s’est mis à pleurer. Inquiété, Imam s’est rapproché de lui pour lui demander pourquoi il pleure. Et ce dernier lui a répondu que c’est par manque de moyen qu’il avait envisagé de voler pour pouvoir baptiser son enfant, imam…», clôt-il, en se mettant à pleurer fortement. Il a fallu l’intervention du juge en le disant «ne pleure pas ! Continue !». Une chose qui a vexé toute l’assistance. On entendait des chuchotements de pleurs dans toutes les rangées. Ce qui a conduit à la suspension de l’audience avant l’heure de la pause.
Né en 1984 à Kaolack, marié à deux épouses et père de trois enfants, Saliou Ndiaye plus connu sous le pseudo de Baye Saliou refuse de reconnaitre les faits qui lui sont reprochés. Mais toutefois il soutient entretenir des relations avec Imam Ndao et d’autres sénégalais supposés djihadistes basés à l’étranger. «Je ne reconnais pas les faits qui me sont poursuivis. Ils ont orienté mes dires. Les lieux d’interrogation ne sont pas les mêmes. Ici, c’est paisible. J’ai subi des répressions lors des enquêtes. Ce qu’ils ont mentionné sur le procès verbal ne reflète pas mes dires. Ils écrivent du n’importe quoi. Ils ont juste la volonté de m’enfermer», renseigne-t-il, répondant aux interpellations de ses avocats qui prenaient part aux contre-arguments. Il poursuit : «Néanmoins, je connais certains de mes co-accusés comme Imam Alioune Ndao, Abdou Hakim Mbacké Bao, Mactar Diokhané. Je fréquentais Anas qui a amené Abdou Hakim Mbacké Bao au Mali. Je le connaissais sous le nom d’Abdallah Babou. Il m’avait proposé de m’aider pour partir en Afghanistan par la voie terrestre. Je voulais mieux apprendre ma religion parce que c’est la charia qui est appliquée là-bas. Contrairement au Sénégal où on se limite à la théorie». Un voyage qui n’a pas eu lieu à cause de refus à deux reprises de l’octroi de visas.
Salif KA