La condamnation de Khalifa Sall et deux de ses co-prévenus appelle un commentaire d’«arrêt». Lequel, au-delà de l’aspect typiquement judiciaire, aborde les perspectives politiques que cette condamnation induit.
Comme l’on s’y attendait, au vu du déroulé du procès, des éléments à charge de l’accusation et du réquisitoire du parquet dont le patron est lui-même «monté» sur scène, Khalifa Sall a été condamné à 5 ans de prison ferme et à une amende de 5 millions de francs Cfa. Et comme le leur permet le code de procédure pénale, Khalifa et ses conseils ont toute latitude d’élever appel de cette condamnation. Et à écouter les différentes déclarations de certains de ses avocats, tout laisse croire qu’il en sera ainsi. Et là, c’est la Cour d’appel, une juridiction un cran supérieure à celle d’instance qui va statuer à nouveau sur l’affaire. Trois possibilités à ce niveau : la confirmation totale de la condamnation, la confirmation partielle ou l’infirmation. Mais, on n’en reste pas là vu que la cassation est une autre possibilité ouverte devant la Cour suprême. Laquelle jugera, non pas les faits, mais le droit. Elle verra si le droit a été bien ou mal appliqué et décidera en conséquence. Là, on est au niveau légal.
Au plan politique, les partisans du maire de Dakar promettent une riposte à la hauteur de «l’affront». De quelle nature sera-t-elle et quel en sera le contenu ? L’avenir le dira. Ce qui est clair, c’est que le pouvoir, lui, garde en sous-main, une autre arme aussi redoutable que la première. En cas de condamnation définitive et épuisement de toutes les voies de recours, c’est d’abord la mise sous délégation spéciale de la Ville de Dakar dont le mandat de l’équipe dirigeante devrait finir en 2019. Ce qui est une bouffée d’oxygène pour un pouvoir dont l’incarnation ne voudrait certainement pas affronter le maire de la ville-capitale dont les prérogatives dépassent, toutes choses égales par ailleurs, celles d’un Premier ministre.
L’autre carte en main qui a fini de coudre de fil blanc toute la procédure, c’est l’élimination pure et simple du potentiel candidat Sall de la course au fauteuil présidentiel. En théorie, c’est une épine de moins pour le Président sortant. Reste à savoir si, dans la pratique, les partisans du maire de Dakar lui laisseront les coudées franches pour dérouler tranquillement vers mars 2019 avec leur champion enfermé à double tour dans une cellule du Camp pénal ou du Cap Manuel.
Ibrahima ANNE