C’est un élément compromettant de plus. En enquêtant sur le financement du groupe Etat islamique (EI) par le cimentier Lafarge, les journalistes de “Complément d’enquête”, dont le reportage sera diffusé jeudi 22 mars sur France 2, ont mis la main sur un e-mail envoyé par Firas Tlass à Bruno Pescheux. Le premier, un homme d’affaires syrien, servait d’intermédiaire au groupe français en Syrie. Le second, mis en examen dans cette affaire, était le PDG de la filiale syrienne du groupe, qui exploitait la cimenterie de Jalabiya.
Ce courriel indique que Firas Tlass a négocié, pour le compte de Lafarge, avec plusieurs groupes armés présents dans la région, dont les jihadistes de l’EI, pour que cette cimenterie continue à fonctionner malgré la guerre. “Mon cher Bruno, en ce qui concerne l’Etat islamique, j’aurai un rendez-vous avec eux ce soir, écrit l’intermédiaire le 20 juillet 2014. J’ai mis l’offre suivante sur la table : 10 millions de livres syriennes par mois, pour le libre passage des matières premières et du personnel.” Une somme qui correspond à 25 000 euros.
Un laissez-passer tamponné par l’EI
Un mois plus tard, Christian Herrault, alors directeur général adjoint du groupe à Paris, est informé par un autre responsable de Lafarge Syrie, Frédéric Jolibois, en ces termes : “Je viens de finaliser avec Firas ce matin. ISIS [Etat islamique] : part fixe à revoir (aujourd’hui 10 millions), mais ne devrait pas augmenter inconsidérément, car contraire à la charia. […] Les ventes devraient redémarrer demain ou après-demain.” “Merci”, lui répond Christian Herrault.
Sur le terrain, les négociations semblent bien avoir abouti. D’anciens salariés ont fourni à “Complément d’enquête” un document portant le tampon de l’organisation Etat islamique et mentionnant un accord avec Lafarge : un laissez-passer destiné aux transporteurs de matières premières.
Extrait de “Complément d’enquête” du 22 mars 2018.
francetvinfo