La rue gronde et ne faiblit pas. Ils étaient 3 000 selon la police, entre 10 000 et 15 000 selon les organisateurs, à avoir manifesté hier contre l’insécurité, devant les caméras nationales. Le soir même, les barrages routiers ont repris.
L’ambiance était particulière ce mercredi matin, à Mamoudzou. Les barges ne circulaient quasiment pas, la plupart des commerces étaient fermés, et à la station-service de Kawéni, plusieurs dizaines de personnes patientaient, aux côtés d’une file colorée de bidons en plastique qui attendaient qu’on veuille bien les remplir. Bloqués depuis plusieurs jours, une partie des habitants de Mayotte n’a en effet pas pu s’approvisionner en essence ces derniers temps. La levée temporaire des barrages à l’occasion de la marche contre l’insécurité fut l’occasion pour ces habitants coupés du monde de se ravitailler fissa.
Du côté de la pointe Mahabou, le cortège s’organisait et a démarré peu après 9h. Les élus en ont pris la tête, dont plusieurs maires et conseillers départementaux arborant l’écharpe tricolore, et portant une banderole où l’on pouvait lire « Terroristes, coupeurs de route, voleurs, violeurs, cambrioleurs, occupants illégaux de terres, trafiquants, faussaires… Toutes les formes de violence, subir et se taire ! Non ! Kari pvendzeee ! (On ne veut pas, en shimaoré, NDLR) » Et malgré une pluie battante, les habitants de Mayotte, joyeusement menés sous les intempéries par le son du shengué, ont défilé de la pointe Mahabou au rond-point Méga, faisant danser les drapeaux français, ces derniers ayant remplacé les signes syndicaux. A ce giratoire, la foule a marqué l’arrêt et a entonné une vibrante Marseillaise.
Les chiffres divergent évidemment mais de toutes parts, on reconnaît que le mouvement a mobilisé, 3 000 personnes selon la police, entre 10 000 et 15 000 personnes selon les organisateurs. Ces derniers d’ailleurs ne comptent pas en rester là. Leur demande principale n’étant toujours pas satisfaite (la venue du président de la République, du Premier ministre ou du ministre de l’Intérieur), ils ont remis en place les barrages routiers dès le milieu de l’après-midi. Ces barrages étaient étanches, laissant passer les manifestants dans le sens « Paris-province » afin qu’ils puissent rentrer chez eux suite à la marche, mais faisant obstacle aux habitants voulant rallier le chef-lieu. A 16h30, la gendarmerie en dénombrait trois : à Bandrélé, Chirongui et Chiconi mais les leaders du mouvement promettaient de tous les ériger avant la tombée de la nuit.
Mansour Kamardine parle de « non-assistance à île en danger »
Suite à la marche de mercredi, le député Mansour Kamardine (LR) a réagi par un communiqué intitulé : « Mayotte : non-assistance à île en danger et discrédit de la ministre ». L’élu se félicite de « la réussite de la grande marche pour la paix ayant réuni plusieurs milliers de personnes, arborant des drapeaux tricolores et chantant la Marseillaise », ce qui « marque la détermination de l’ensemble des forces vives du 101ème département français à se battre pour la paix et le développement économique et social de Mayotte ». Mais le parlementaire est également colère : « Chaque jour qui passe sans réponse du gouvernement nous rapproche du chaos dans le département le plus pauvre de France. Le gouvernement le sait, il joue avec le feu et il le fait avec les plus faibles. Cette volonté manifeste et méprisante face à un mouvement unitaire sans précédent est ressentie comme de la « non-assistance à île en danger ». Les déclarations de la ministre des Outre-mer, hier (mardi, NDLR), à l’Assemblée Nationale, ont fini de saper sa crédibilité. Les élus, maires, conseillers départementaux et parlementaires de Mayotte se sont concertés ces dernières heures. Ils considèrent que le seul interlocuteur crédible est désormais le Premier ministre, à défaut le ministre de l’Intérieur dont ils demandent la venue en urgence à Mayotte. Nos concitoyens savent ce qu’ils veulent, que Mayotte retrouve sa sérénité et qu’une mise à niveau soit lancée en termes de politique de lutte contre l’immigration clandestine, de sécurité, d’équipements, d’accès aux services de base, de traitements sociaux et de politique éducative. Tout est sur la table, point besoin d’une conférence organisée dans plusieurs mois. Il n’y a plus qu’à définir un agenda de mise à niveau des infrastructures, des services et politiques publiques. »
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