CONTRIBUTION
La chasse à courre ou vénerie est une technique de chasse née en Angleterre et spécialement pratiquée par les élites. Elle consiste à lancer aux trousses d’un pauvre animal (lièvre, sanglier, chevreuil, cerf) une meute de chiens dressés. Les chasseurs à la tête desquels le maître-chien ou veneur jouent au cor en poussant des cris pour effrayer la pauvre bête. Quand l’animal est épuisé par des heures de poursuite et souvent blessé par les morsures des chiens, on dit qu’il est aux abois. Il est alors encerclé par les chasseurs. Commence la mise à mort ou l’hallali. Elle se fait à l’aide d’un coup de fusil ou de dague.
L’Inspection générale d’Etat est une institution supérieure de contrôle placée sous l’autorité exclusive du président de la République qui, seul, peut la mettre en branle. Elle est composée d’inspecteurs chargés entre autres de lutter contre la corruption, la fraude et surtout l’enrichissement illicite et le détournement des fonds publics. Leurs rapports sont remis au président qui seul décide de la suite à leur donner. En l’espèce, il est le maître des poursuites. Quand on sait que tous les services publics au Sénégal (mairies, Hlm, centres universitaires…) sont dirigés par des politiciens, on saisit facilement la redoutable arme que constitue l’Ige entre les mains du président qui peut, selon ses intérêts, décider de poursuivre ou non ceux qui sont épinglés dans les rapports. Macky Sall nous en donnera la preuve en reconnaissant avoir mis certains dossiers «sous le boisseau». Le cas le plus emblématique est certainement celui du directeur du Coud.
Pour Khalifa Sall, par contre, c’est une autre affaire. Au lieu de l’affronter à la régulière comme un homme, Macky Sall préfère utiliser la technique de la chasse à courre en instrumentalisant l’Ige : lancer les inspecteurs aux trousses de l’opposant et plus que probable candidat aux élections de 2019. Epuisé par douze mois de traque, à bout, blessé, le gibier est aujourd’hui aux abois et encerclé : Avocats de la partie civile, procureurs, juge d’instruction, magistrats, agent judiciaire de l’Etat et derrière, Macky Sall le veneur. L’hallali ou la mise à mort, sauf miracle, aura lieu le 30 mars.
Macky Sall peut pavoiser car, en tant que président, il détient par devers lui une arme redoutable : l’Ige. Néanmoins, une raclure de lucidité, madrée d’une pinte de réalisme lui aurait pourtant permis de réaliser que cette force dont il use beaucoup plus qu’à son tour est par nature aussi éphémère et volatile qu’un parfum de mauvaise qualité car, demain, l’arme sera entre les mains d’un autre : son successeur. Alors, le chasseur pourrait à son tour devenir gibier.
Serigne Mbacké NDIAYE
Ecrivain Auteur de L’Odyssée des migrants