CONTRIBUTION
Elle a senti la vigueur de l’Afrique et a su rendre, par les mots de la langue française, la quintessence de la culture africaine. Elle a vu bien, avant nos élites africaines, prendre forme une nouvelle conscience africaine aux confluents de l’épopée de la poésie du chant qui portera avec courage, détermination et lucidité le combat de la libération de notre continent, Kesteloot.
Ouverte à tous les vents du Sahel, aux tempêtes de sable du Kalahari, poreuse aux souffles vivifiants des luxuriantes forêts des Congo, elle aura donné à voir au monde entier, avec l’approche scientifique d’une disciple en osmose avec Senghor et les signes énigmatiques de la civilisation des peuples d’Afrique, combien notre continent était non seulement uni par la couleur, mais par le même substrat culturel qui fonde l’unicité de l’Afrique. Elle a célébré Cheikh Anta Diop, elle a anobli le malgache suicidé et elle a immortalisé notre histoire, avec rigueur avec franchise sans fards.
Kesteloot, nous te disons merci. Senghor a montré l’Afrique à Césaire. Tu nous l’as rapporté. Cheikh Aliou Ndao a créé des mythes qui galvanisent et portent le peuple en avant, quitte à rendre l’histoire plus historique pour y parvenir. Tu nous as démontré comment. Et quand la frontière des mondes littéraires paraissait étanche entre les ancêtres de la lutte pour l’indépendance et nos aînés déçus de l’Afrique qu’ils leur présentaient, tu as été là, pour montrer comment naissait, dans les limbes de cette aube du renouveau, une Afrique nouvelle prise dans ses contradictions, mais grosse de promesses non encore avortées mais en danger, par le fait de régimes dictatoriaux liberticides et tout aussi révisionnistes.
C’est ainsi qu’à travers ton anthologie, Kesteloot, j’ai découvert la littérature africaine. J’ai pleuré et ri avec Henri, ressenti une épaisse peine avec ce Lopès qui m’insuffla une haine si sourde que je me fis un devoir de violence envers moi-même pour dénoncer ce qui se passait sous le cercle des tropiques, tellement je devins fan de Touré au point de scruter les écailles du ciel de Tierno du tiers monde, avant de revendiquer le droit à la vie et demie dont on voulait me priver en ces temps-là. Et j’adoptai alors la devise de Sony pour marquer à jamais mon temps de tamango sous le rythme du tango de Boris.
J’ai inventé transi comme Tansi «un poste de peur en ce vaste monde qui fout le camp», et depuis, au cœur de cette ville cruelle semblable à un piège sans fin où aucune mission ne semble terminable, je guette l’arrivée du lointain et bien proche kaydara, sous les soleils des indépendances qui refusent encore de briller malgré le sang bien rouge des noirs et les pleurs de souffrances de mon continent, mon beau peuple.
Kesteloot ! Les mots ne sont jamais partis. Tu restes à jamais.
Cissé Kane NDAO