Ces derniers jours, les Sénégalais sont confrontés à une recrudescence des crimes de sang aux relents de sacrifice humain.
Ces actes odieux s’intensifient, à l’approche de l’élection présidentielle. Cachent-ils les «mains noires» de politiciens prêts à tout pour accéder à la magistrature suprême ? La seule constante, c’est que la plupart des cas restent impunis, avec des enquêtes jamais orientées vers les commanditaires.
Qui se cache derrière les crimes de sang (rituels ?) de plus en plus récurrents en terre sénégalaise, en cette période pré-électorale ? C’est la grande interrogation que se posent de nombreux compatriotes, à la fois troublés et affectés par le drame que vivent certaines familles. S’il est admis que ces meurtres en série sont un phénomène qui touche beaucoup de pays, sa recrudescence, au Sénégal, en cette période pré-électorale, n’en demeure pas moins une situation inquiétante. A l’observation, l’on se rend compte qu’ils sont légion le plus souvent à l’approche d’élections. La psychose s’est, à nouveau, emparée des populations, du fait de cette recrudescence. Presque de manière synchronique, avec le cas de ce malheureux petit Serigne Fallou Bâ (7 ans), retrouvé égorgé samedi à Touba. Selon les informations de WalfQuotidien, l’enquête ouverte par la police locale semble mener à la thèse du sacrifice humain. Alors qu’on n’a pas fini d’épiloguer sur ce cas, un autre se signale à Petit-Mbao, il y a deux jours. Une gamine, élève de 8 ans, a été retrouvée bâillonnée, violée, tuée puis jetée à proximité d’un dépotoir d’ordures.
Des jeunes qui sont venus déverser des ordures dans ce dépôt sauvage ont fait la découverte macabre. Ce qui suscite tous les commentaires possibles dans cette partie de la banlieue, du fait qu’il s’est produit dans le giron d’une personnalité politique. Même si, pour l’heure, c’est le boutiquier du coin, suspecté d’en être l’auteur présumé, qui est arrêté par la brigade de gendarmerie de la Zone franche. Durant la période des législatives de juillet dernier, deux individus I.S (27 ans) et A.T (28 ans) ont été surpris par la Police, lors d’une patrouille, à Guédiawaye, au niveau de la bande des filaos. Ils détenaient un nain du nom de M.P.T dit «Pape Mongol», âgé de 25 ans, qu’ils avaient déjà ligoté. Les auteurs de ces actes étaient à bord d’une voiture 4X4 où il y avait, à l’intérieur, un linceul et des noix de cola.
Fama Niane, Maodo Malick Pouye, Seynabou Seck…
En 2012, durant la période préélectorale, 7 assassinats et 10 tentatives d’enlèvements ont été enregistrés, entre janvier et mars, selon l’Association nationale des albinos du Sénégal (Anas). Les zones les plus touchées sont : Médina, Parcelles-assainies, la banlieue et l’intérieur du pays. Qui ne se souvient pas du meurtre effroyable du jeune Maodo Malick Pouye (7 ans et élève en classe de Ci) dont le corps sans vie a été jeté devant le cimetière de Soumbédioune. Le garçon a succombé à des coups administrés sur le ventre et dans le dos. Des pièces de monnaie de 75 francs ont été éparpillées au tour de son cadavre. L’enfant était parti acheter de la glace dans la maison voisine. Mais avec la campagne et les matches de demi-finale de la Can 2012 qui battaient leur plein, la famille ne s’était pas aperçue de sa disparition. L’oncle de la victime avait évoqué la thèse d’un sacrifice humain. «Sa bouche était ensanglantée comme s’il avait reçu des coups et sa poitrine entaillée et fissurée», décrivait-il. Cette affaire n’a toujours pas livré ses secrets, malgré l’arrestation du gardien du cimetière finalement blanchi.
La capitale occupe la plus haute marche du podium. Mais il y a eu aussi, toujours durant l’année 2012 et en l’espace seulement de 15 jours, le meurtre d’un mendiant égorgé à Matam, celui d’un jeune homme de 30 ans retrouvé poignardé à Yoff-Tonghor et d’autres cas encore. Les auteurs de ces récents crimes, connus par les familles des victimes et dénoncés à la justice, sont toujours en liberté. Parfois, les enquêtes peinent à établir un lien direct avec la classe politique.
Des crimes sans auteurs ni commanditaires
Le plus crapuleux de ces crimes rituels reste, sans doute, le cas de la petite Seynabou Seck (6 ans) dont le corps sans tête ni pied a été enseveli dans un verger, à Keur Ndiaye Lô. Le 30 mai 2006, Seynabou Seck se rendait à l’école en compagnie de son frère Assane Seck, lorsqu’ils ont été interceptés sur le chemin par un individu. Ce dernier, profitant de la commission qu’il avait faite au frère, disparaît avec la fillette sans laisser de trace, malgré les nombreuses recherches effectuées par les parents de la disparue et les forces de l’ordre. Six jours plus tard, la gendarmerie de Rufisque reçoit une information relative à la découverte du corps sans vie d’une jeune fille, dans le verger, lequel a été déterré par un chien qui rodait dans les alentours. L’enquête a révélé que le corps, en état de putréfaction assez avancé, a été retrouvé dans un trou de 50 cm, amputé de la tête et des membres inférieurs. Le certificat de genre mort a fait également état d’une «mort par égorgement ayant entraîné la décapitation avec la tête non retrouvée». Sur les lieux de la découverte macabre, la présence d’une robe tachetée de sang et des bijoux a permis l’identification de Seynabou Seck, par ses parents. Ce crime reste toujours sans auteur car les suspects, Ibra Thiam, Abdoulaye Diallo et Babacar Kandji, ont été acquittés par la Cour d’assises de Dakar (devenue Chambre criminelle), en 2010.
Cela fait 8 ans déjà que Fama Niane a été tuée et découpée en morceaux, puis jetée sur la Corniche de Dakar, près de la plage de Koussoum. Son corps a été retrouvé morcelé en 7 parties. La bonne dame quittait son domicile conjugal à Rufisque, au quartier Gouye Mouride où elle vivait, en parfaite harmonie, avec son mari, pour aller travailler à Dakar. Elle avait disparu, pendant plusieurs jours. Elle fut retrouvée, après plusieurs jours de recherche, entamée par sa famille mais hélas, morte d’une manière horrible. Au final, ce crime demeure impuni car l’enquête de la Dic n’ayant pas permis de mettre la main sur l’auteur. Le premier suspect finira par être innocenté.
Psychose chez les 10 500 albinos recensés
Les malades mentaux, les personnes vivant avec un handicap et même les albinos ne sont pas épargnés. A quelques mois de la présidentielle, la frayeur s’empare de la communauté albinos au Sénégal. Les meurtres rituels dont ils ont été victimes, durant la campagne de 2012, hantent toujours leurs esprits. Ces 10 500 albinos recensés dans le pays vivent dans une insécurité et l’angoisse à chaque approche de période électorale. S’y ajoutent les disparitions de jeunes filles et garçons dont les nombreuses recherches faites en ce sens n’ont, hélas, pas permis de les retrouver. Et jusqu’à ce jour. Vraisemblablement, il n’y a pas d’investigations sur les commanditaires.
Pape NDIAYE