CONTRIBUTION
Soixante ans «d’indépendance» et notre dépendance à l’aide extérieure ne cesse d’augmenter ! Tant au plan des moyens financiers et techniques, qu’au plan des concepts et de la conception du progrès, nous sommes dépendants. Au plan opérationnel, les entreprises étrangères, et notamment françaises, contrôlent notre économie dans tous les domaines stratégiques : les télécommunications, l’eau, l’électricité et désormais la grande distribution. Les retombées du pétrole et du gaz, dont nous devenons un pays producteur, risquent de ne pas profiter aux intérêts supérieurs de notre peuple. Si les signes avant-coureurs se précisent, le pire serait à craindre !
La France, ex-puissance coloniale, exerce une influence impudique sur la vie politique de notre pays. Sans fards. Ni gants. En vérité, nos dirigeants actuels ont mis la barre de la servitude post coloniale à un niveau jamais atteint depuis 1960…
Par ailleurs, et dans le même temps, les politiciens au pouvoir appauvrissent nos élites économiques. Car, ils leurs livrent une concurrence déloyale sur le front de la création de richesses, en se faisant les «courtiers» d’entreprises étrangères. Moyennant dessous de tables et avantages indus, des politiciens affairistes ont, véritablement, dévoyé l’honneur de la politique ! Les inégalités sociales se creusent ainsi, non plus au prix du mérite et du travail, mais par cette capacité à s’enrichir, à tous prix et le plus rapidement possible, de ceux qu’il est convenu d’appeler les prédateurs de la République. Nos élus, et de hauts fonctionnaires véreux et complices, rivalisent de demeures luxueuses et de berlines rutilantes. Les signes extérieurs d’une richesse, trop rapide pour être honnête, suffisent largement à dresser le réquisitoire pour mal Gouvernance. Mais les nouveaux riches n’en ont cure. Ils défient nos regards désapprobateurs et nous promettent de s’incruster… Et pour être juste, les deux alternances ont, sous ce rapport, des ressemblances troublantes. Le peuple croyait en avoir fini avec le long règne socialiste émaillé d’autant de scandales, passés sous silence par l’indigence des moyens médiatiques de l’époque. Deux rendez-vous ratés avec le changement véritable imposent donc d’explorer d’autres voies.
Relativement, et il faut le dire aussi, des progrès existent dans certains domaines. Mais ils sont timides et mal répartis à l’échelle du pays. Ils sont, bien des fois, anachroniques: le Train express régional (Ter) en sera le symbole le plus achevé dans les années à venir…
Etant donné que les décisions majeures engageant le pays, son présent et son avenir, sont prises par les hommes politiques, il serait temps de se demander si les vraies causes des problèmes multiples et multiformes qui nous assaillent n’ont pas pour origine la politique en elle-même, ses acteurs et ses valeurs, sa culture et ses mœurs.
Nos hommes politiques, immergés dans l’action, prisonniers des échéances électorales, n’ont plus le recul nécessaire pour remettre en perspective la trajectoire de notre nation depuis «l’indépendance». Ont-ils même le loisir de s’interroger sur ce qui donne sens ou non-sens à leur action ? Si, pour le combat pour notre accession à souveraineté internationale, nos élites de l’époque avaient su produire des réponses, inspirées par un amour incompressible pour la patrie et la liberté, face au défi colonial, que reste-t-il de cette flamme sans laquelle rien de grand ne peut être entrepris?
La dérive mercantile de la politique est aujourd’hui établie. L’argent et les honneurs se révèlent être le seul horizon de la plupart de ceux qui s’y engagent. Les cours et tribunaux débordent de dossiers tournant autour de malversations commises sur l’argent public. Notre argent ! C’est à croire que les corps de contrôle n’exercent leur mission que lorsque le mal est fait. Le système judiciaire dont on aurait pu espérer qu’il contienne les dérives outrancières des délinquants politiques et économiques, semble jouer le rôle de metteur en scène de leurs turpitudes. Il juge, condamne et libère, au gré du Prince. Le résultat des courses est connu d’avance par tous les initiés et le spectacle en est devenu lassant. Il nous faut, véritablement, remettre tout le système à plat ! Réinventer la politique en lui apportant du sang neuf. Inviter de nouveaux acteurs à s’intéresser à la conduite des affaires publiques est une nécessité vitale pour l’avenir.
– Redéfinir de nouvelles règles du jeu politique qui soient plus éthiques et plus contraignantes en termes de transparence et de probité des acteurs.
– Déterminer un mode de financement des partis, contrôlable et susceptible de reddition des comptes.
– Contenir la multiplication et le morcellement des partis par une loi qui définisse et encadre leur activité.
– Sanctionner, de manière exemplaire, toute malversation dûment constatée portant sur les deniers publics, sans préjudice de l’appartenance ou non à une famille, à un parti ou à un quelconque groupe de pression. La loi doit être la même pour tous ! Le dire ne suffit pas. Il faut l’appliquer.
Dans cette problématique qui doit être au cœur du débat public, avant et pendant la prochaine campagne présidentielle, telles sont quelques pistes à explorer pour remettre la politique à l’endroit si l’on veut préparer un avenir digne de nos enfants ! A ce prix, les petites querelles de bornes fontaines qui essaiment dans nos médias, ainsi que les règlements de comptes fratricides et les trahisons municipales… nocturnes (!) pourraient sombrer dans l’oubli…
Amadou Tidiane WONE