CONTRIBUTION
Le Forum mondial sur l’Education va se tenir à Dakar sous la co-présidence des présidents Emmanuel Macron de France et Macky Sall du Sénégal. C’est la première visite du président Macron dans notre pays, et donc l’occasion de rappeler à nos concitoyens son projet pour l’Afrique, tout en n’oubliant pas les raisons pour lesquelles il vient au Sénégal, à savoir la tenue du Forum mondial sur l’Education. Pour avoir une idée du projet de Macron pour l’Afrique, l’on peut commencer par le citer lui-même dans Jeune Afrique.
Emmanuel Macron dixit : «Je ne pense pas qu’une année suffira, je reste sur ce sujet lucide, mais aucune faiblesse, aucun accommodement ne sera ici toléré parce qu’il en va de notre responsabilité morale, humanitaire. Ce qui se joue aujourd’hui sur le continent africain et à travers la Méditerranée, c’est un de nos principaux défis sur le plan éthique et politique, c’est notre capacité à redonner un avenir à tout un continent et, avec lui, sa jeunesse et sa population et à faire que le Sahara ne soit plus un cimetière d’espoirs déçus. Et quand ce n’est pas le Sahara, c’est la Méditerranée.»
Après la «mission civilisatrice» que la France et les autres puissances coloniales d’Europe avaient évoquée pour justifier leurs occupations de nos terres, leurs exploitations de ressources humaines et leurs extorsions de nos ressources naturelles, voilà que Macron, pour ouvrir une nouvelle ère de recolonisation de l’Afrique, notamment de sa partie sahélienne, entonne une nouvelle mission visant à «redonner un avenir à tout un continent et, avec lui, sa jeunesse et sa population et à faire que le Sahara ne soit plus un cimetière d’espoirs déçus. Et quand ce n’est pas le Sahara, c’est la Méditerranée.» Et cela au nom de leur «responsabilité morale, humanitaire» ! C’est à cet effet que Macron veut ressusciter les «tirailleurs sénégalais» en créant «le G5» pour contrer «l’Initiative de Nouakchott» prise par l’Union africaine pour lutter contre l’insécurité, la déstabilisation et l’effondrement des Etats du Sahel. De même, il projette de recréer le commerce colonial triangulaire entre la France, ses colonies d’Afrique et des colonies d’Asie, au projet de la France et de ses entreprises coloniales, en n’hésitant pas à proposer à la Chine, d’être «l’intermédiaire» dans sa coopération avec l’Afrique toute entière!
Avec ses «néo-tirailleurs sénégalais» et le «Nouveau commerce triangulaire», le «Petit Napoléon de France», pour réussir sa nouvelle «mission civilisatrice» en Afrique, ne peut plus compter sur une France-Afrique institutionnelle de chefs d’Etat africains qui s’est largement discréditée aux yeux des Français, mais bien sur une nouvelle France – Afrique de la Société civile, dont le fer de lance est constitué par son Comité consultatif de la société civile pour l’Afrique auprès du président, qui devrait mettre en place ses réseaux dans la société civile en Afrique, comme des substituts aux Etats. Le projet de Macron de «retour de la France en Afrique» passe donc par l’effondrement de nos Etats et la partition de nos Etats dont les frontières sont pourtant héritées du colonialisme. C’est ce projet qui est à l’œuvre déjà au Mali et ses ramifications immédiates sur le Burkina, le Niger, la Centrafrique et le Tchad.
C’est ce projet colonial que Macron vient défendre à Dakar. Et c’est aussi ce projet que, par leur refus de participer au dialogue national sur le processus électoral, dont l’audit du fichier, le Pds et ses subordonnés du Fdr veulent masquer, en jouant, sans retenue aucune, à leur sport favori de politique politicienne sur le réchauffement du front social, à l’occasion de la visite de Macron. Cependant, nous ne devons pas oublier que Macron vient au Sénégal, non pas en visite d’Etat, mais comme co-parrain du Forum mondial pour l’Education, pour mobiliser les financements nécessaires à nos pays. Aucune manifestation pour ternir la tenue d’un tel évènement, ne devrait être encouragée. Il ne s’agit pas, dans ce Forum, des rapports entre la France et l’Afrique, mais entre l’Afrique et la communauté internationale. Il faudrait donc éviter que notre colère contre le projet politique de Macron ternisse nos rapports avec la communauté internationale mobilisée à Dakar. C’est à ce discernement que j’appelle de tous mes vœux.
Ibrahima SENE
PIT/ Sénégal