CONTRIBUTION La nomination de M. Aly Ngouille Ndiaye au poste ministre de l’Intérieur en charge de l’organisation des élections est un précédent dangereux de nature à compromettre le processus électoral et de faire basculer le Sénégal dans une crise post-électorale sans commune mesure en droite ligne des élections présidentielles de 2019. En effet, peut-on organiser au Sénégal des élections régulières et transparentes avec un ministre de l’Intérieur, maire et haut responsable du parti au pouvoir ? La réponse est bien évidemment Non !
Depuis des années, une bonne partie de l’opposition politique, de l’opinion publique sénégalaise et des partenaires au développement réclame vaille que vaille la nomination d’une personnalité neutre et consensuelle pour l’organisation des élections dans notre pays. Dans tous les cas, une chose est sûre et certaine, c’est qu’au Sénégal, les deux seules alternances politiques à la tête de l’Etat (2000 et 2012) ont été pilotées par deux «Monsieur Elections» indépendants et neutres ; en l’occurrence le Général Lamine Cissé en 2000 et l’Inspecteur d’Etat Cheikh Guèye en 2012. Nonobstant, la nomination de M. Aly Ngouille Ndiaye au poste de ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique en charge notamment de l’organisation des élections pose problème et inquiète les acteurs du jeu politique que nous sommes. Cette nomination est une véritable imposture politique de nature à saborder le processus électoral avec un risque très fort de tripatouillage des prochaines élections présidentielles. Ainsi, le pays pourrait basculer dans une tension électorale et post-électorale, comme c’était le cas lors des évènements tragiques du 23 juin 2011.
En 2012, nous avions voté pour le président Macky Sall afin qu’il apporte les ruptures idoines à la marche du pays ; mais nous avons très vite déchanté. Sa gouvernance est une somme de désillusions et de déceptions sur le plan économique, social et des ruptures institutionnelles attendues. Sa gestion des affaires de l’Etat est chaotique, familiale, pour ne pas dire clanique. De plus, lors des dernières élections législatives, avec le ministre Abdoulaye Daouda Diallo (responsable du parti au pouvoir), nous avions noté des dysfonctionnements de diverses natures dans l’organisation qui ont parfois empêché des citoyens d’exercer leur devoir civique. Déjà, dans la distribution des cartes électorales, des discriminations énormes ont été relevées, des ordres de mission ont été introduits dans le jeu électoral, ce qui a accrédité fortement le vol des élections par la majorité au pouvoir. Il s’est agi d’irrégularités très graves qui ont entaché la sincérité du scrutin et qui portent un coup très sérieux à la légitimité des députés élus.
Par ailleurs, nous devons à la vérité de dire que la nomination d’un homme neutre et apolitique à la tête du ministère de l’Intérieur est une vieille revendication des acteurs politiques en Afrique et au Sénégal en particulier. Des hommes et des femmes sont morts pour la défense de nos acquis démocratiques. Et le peuple observe le président Macky Sall et lui demande d’organiser des élections loyales ; il n’a plus la majorité politique dans le pays. Notre jeune démocratie sénégalaise ne saurait s’exonérer de la désignation d’une personnalité neutre, non-partisane, fiable de confiance pour organiser des élections libres, transparentes et démocratiques. A cet effet, les dernières élections législatives ont convaincu les plus sceptiques des dangers à confier l’organisation des élections à un ministre partisan en quête de promotion gouvernementale.
Pour mieux saisir la dangerosité de la nomination de M. Aly Ngouille Ndiaye au poste de ministre de l’Intérieur, arrêtons-nous un peu sur le personnage. M. Ndiaye est maire de Linguère, il est également un des plus hauts responsables de l’Alliance pour la République (parti au pouvoir) ; ce qui lui enlève toute crédibilité pour organiser des joutes électorales sincères et dénuées de toute contestation. M. Ndiaye fut également ministre des Mines au Sénégal, sa gestion dans ledit ministère doit être passée au peigne fin pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur la signature des contrats pétroliers et gaziers. Le Rapport de l’Ige qui le concernait doit être déclassifié par le président de la République afin que nous sachions ce qu’il en est de sa gestion au ministère des Mines.
Récemment le ministre Aly Ngouille Ndiaye, croyant bien faire, a lancé à l’opposition un appel au dialogue politique pour une décrispation de l’espace public. Cet appel au dialogue est malvenu et impropre : comment dialoguer avec un gouvernement qui détient dans ses geôles des opposants politiques ? Pour toutes ces raisons, nous réclamons la démission du ministre Aly Ngouille Ndiaye, car il ne peut pas être juge et partie. Il n’est ni neutre, encore moins consensuel pour organiser des élections transparentes, libres et démocratiques. Nous appelons immédiatement à sa révocation et à la nomination d’une autorité indépendante pour gérer le processus électoral.
Dr Alboury NDIAYE
Président de Nouvelle Vision pour le Sénégal