Les sifflements du Train express régional (Ter) n’ont pas encore retenti mais la cacophonie qui accompagne ce projet du chef de l’Etat ne faiblit pas.
Si, à son lancement, son opportunité questionnait, maintenant c’est son coût qui intrigue. Entre le député Ousmane Sonko et le ministre Abdou Ndéné Sall, c’est la valse des chiffres.
A quelle déclaration d’Abdou Ndéné Sall faut-il se fier ? Le ministre du Train express régional (Ter) semble changer de discours selon le climat qui règne dans la capitale. Ce mercredi, sur les ondes de la Radio Futurs médias (Rfm), il a indiqué que «c’est le premier tronçon du Ter, Dakar-Diamniadio, qui coûte 568 milliards et non pas tout le projet». Selon lui, il faut désormais parler de phase un et phase deux. «Le coup hors taxe, hors douane du Ter est de 568 milliards. Dans ma réponse adressée à Ousmane Sonko, j’ai confirmé que dans la première phase du Ter, Dakar-Diamniadio, le coût du projet est de 568 milliards de francs Cfa sur une distance de 38 Km. Maintenant, le tronçon Aibd-Diamniadio qui est la deuxième phase, dont le coût est de 97 milliards de francs Cfa, n’est pas encore en cours d’exécution, faute de financement. Et, ce sont les deux phases qui font 665 milliards de francs Cfa», a-t-il expliqué. Acculé par Ousmane Sonko et de nombreux autres observateurs qui mettent en exergue une sous-évaluation manifeste du Ter, le ministre délégué auprès du ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, chargé du Développement du réseau ferroviaire, a jugé utile de segmenter le projet. Trouvant déjà des escales à un train qui ne roule pas, il admet tout de même que le Ter va finalement coûter plus que les 568 milliards de nos francs qu’il avait annoncés. Selon lui, si on a fait seulement état de ce montant, c’est que la phase deux, c’est-à-dire le tronçon Aibd-Diamniadio, n’était pas prise en compte. Ce qui est tout à fait nouveau. En effet, en mai 2016, vantant les mérites du projet sur lequel il ne tarissait pas d’éloges, le ministre délégué l’avait décrit ainsi : «Depuis la gare centrale de Dakar, le Ter desservira 14 stations jusqu’à l’Aibd sur un trajet de 57 km, qu’il effectuera en quarante-cinq minutes. Son trafic passager est estimé à 115 000 voyageurs par jour». Sur la fiche de présentation du projet, faite par l’Agence nationale pour la promotion des investissements et des grands travaux (Apix), Dakar – Rufisque – Diamniadio – Aibd sont désignées comme les principales dessertes. La segmentation du projet en deux phases ne semble exister que pour justifier son coût. Car, tout porte à croire que c’est parce qu’il est acculé que le ministre revoit à chaque saison le prix du Ter. Dans les colonnes de Jeune Afrique, Abdou Ndéné Sall avait indiqué avoir déjà mobilisé les fonds qu’il avait estimés à … 451 milliards de francs Cfa (687 millions d’euros). Renseignant sur les partenaires financiers qui avaient concouru à la mobilisation des fonds, il avait cité : la Banque africaine de développement (Bad) pour 100 milliards, le gouvernement du Sénégal pour 100 autres milliards, la Banque islamique de développement (Bid) pour 181 milliards et l’Agence française de développement (Afd) pour 70 milliards.
Pendant que les chiffres vont et viennent dansant sous les applaudissements d’Abdou Ndéné Sall, le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan se complait dans le silence. Argentier de l’Etat, Amadou Bâ prête sa langue au chat, ne lâchant que quelques bribes d’informations sur la question. Et, à chaque fois, qu’il évoque le coût d’une infrastructure lancée par Macky Sall, c’est qu’il est interpelé sur la question. Mais, contrairement à son collègue Ndéné Sall, Amadou Bâ ne touche aux chiffres que du bout des doigts. «Le Ter, ce sont deux tranches. Une tranche ferme entre Dakar et Diamniadio et une tranche conditionnelle qui n’est pas encore financée et devant aller de Diamniadio à l’Aibd. Les engagements que nous avons, aujourd’hui, concernent Dakar-Diamniadio. Une fois arrivé à Diamniadio, il va falloir trouver les financements pour que le Ter arrive à l’Aibd en 2021. Nous y travaillons», a lâché un Amadou Bâ acculé par les députés. 2021, une autre échéance, une autre nouveauté.
Mame Birame WATHIE