Le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem, les ambitions de Jared Kushner et Ivanka Trump, les confidences de Steve Bannon : le livre de Michael Wolff (« Le feu et la fureur: dans la Maison Blanche de Trump ») fourmille d’anecdotes sur l’entourage du président.
Le JDD publie des extraits l’article de l’auteur de ce livre Michael Wolff paru dans le New York Magazine. La Maison Blanche a fustigé les « compte-rendus faux ou fallacieux » contenus dans le livre.
Avant la victoire inespéré
« Trump pensait qu’une fois après avoir perdu l’élection il deviendrait encore plus célèbre et serait perçu comme la victime de « cet escroc de Hillary ». Sa fille Ivanka et son gendre Jared seraient mondialement connus. Steve Bannon* pourrait prendre de facto la tête du Tea Party. Kellyanne Conway** serait une star des chaînes tout info. Melania Trump, à qui son mari avait assuré qu’il ne deviendrait pas président, pourrait reprendre ses discrets déjeuners en ville. En fait, perdre cette élection allait booster tout le monde. La perdre, c’était une victoire.
* Steve Bannon, architecte de la fin de la campagne présidentielle et conseiller spécial du président Trump jusqu’au mois d’août dernier.** Kellyanne Conway, directrice de campagne de Donald Trump et, depuis la victoire, conseillère du président à la Maison-Blanche.
Qui pour tenir la boutique?
Roger Ailes*, un ancien des administrations Nixon, Reagan et Bush, a essayé de convaincre Trump de prendre un secrétaire général de la Maison-Blanche qui pourrait à la fois le servir et le protéger. « Il te faut un fils de pute pour ce job, lui a-t-il dit. Un fils de pute qui connaisse bien Washington. Or toi, tu te verrais bien dans ce rôle de fils de pute mais tu ne connais pas Washington. » Mais Trump ne montrait aucun intérêt pour confier ce job à quelqu’un qui connaisse Washington de l’intérieur. Il avait plutôt pensé depuis le début à son gendre, Jared Kushner, qui n’avait aucune expérience au-delà de son rôle de flatteur et d’homme à tout faire pendant la campagne. Ce fut Ann Coulter** qui finit par prendre le président à part : « Personne ne vous le dit ouvertement, mais c’est impossible, vous ne pouvez pas embaucher vos enfants à la Maison-Blanche. »
* Roger Ailes, patron de Fox News jusqu’à l’été 2016. Décédé en mai 2017.** Ann Coulter, journaliste et essayiste, égérie de l’extrême droite américaine.
Celui qui aime être flatté
Le 14 décembre, une délégation de patrons de la Silicon Valley a débarqué à la Trump Tower pour le voir. Un peu plus tard, ce jour-là, selon une source qui a entendu la conversation, Trump a appelé Rupert Murdoch* qui voulait savoir comment la rencontre s’était passée. « Oh super, juste super, a répondu Trump. Ces types ont vraiment besoin de mon aide. Obama ne leur a pas donné grand-chose, il a trop régulé leurs activités. Pour moi, c’est une bonne occasion de leur être utile. » « Donald, a dit Murdoch, ces types ont mis Obama dans leur poche pendant huit ans et c’est même eux qui dirigeaient littéralement ce gouvernement, ils n’ont pas besoin de toi. » « Mais ils m’ont demandé de l’aide pour les visas H-1B, c’est un sujet, les visas H-1B », répond Trump. Murdoch lui fait comprendre alors qu’une ouverture pour augmenter le volume de ces visas destinés aux immigrés qualifiés ne serait pas très en phase avec ses promesses de lutte contre l’immigration et de construction du mur. Mais Trump n’en démordait pas : « On verra comment faire. » « Quel connard! », a lancé Murdoch en raccrochant le téléphone dans un haussement d’épaules.
* Rupert Murdoch, 86 ans, milliardaire australo-américain à la tête de l’empire News Corp qui possède, entre autres, Fox News et le New York Post.
Steve Bannon et l’agenda
« Dès le premier jour, nous déménageons l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, Netanyahou est à fond pour et Sheldon aussi. » Ce dernier, Sheldon Adelson, étant un milliardaire du monde des casinos et grand soutien de l’extrême-droite israélienne. « Nous savons où nous allons : on laisse la Jordanie reprendre la Cisjordanie et l’Égypte reprendre Gaza, on les laisse négocier là-dessus. Ou bien nous coulons, mais ce ne sera pas faute d’avoir essayé. » « Et qu’en pense Donald? », demande Ailes alors que ce plan semble aller bien plus loin que ce que le président s’est engagé à faire. « Il est totalement d’accord. » « Je ne suis pas sûr qu’il faille trop donner à penser à Donald sur ce sujet », ajoute Ailes avec un sous-entendu amusé dans la voix. Bannon s’esclaffe : « Trop ou pas assez, ça ne fait pas une grande différence. »
Jarvanka
Bannon, qui avait inventé l’expression « Jarvanka » pour les désigner, fut horrifié lorsqu’on lui rapporta que Jared et Ivanka se voyaient en futur couple présidentiel comme Hillary et Bill Clinton. « Ils n’ont pas dit ça ? Arrêtez, non, allez, ils n’ont pas dit ça quand même, oh mon Dieu… » La vérité, c’est que Jared et Ivanka étaient tout autant secrétaires généraux de la Maison-Blanche que l’étaient Bannon et Priebus*. Pour influencer Trump, il faut en effet être omniprésent, sinon on le perd. […] Il n’est pas capable de discuter, c’est-à-dire d’échanger des informations ou de converser à partir d’opinions différentes. Il n’écoute pas vraiment ce qui lui est dit ni ne retient ce qu’il répond. Il exige que vous l’écoutiez, mais lorsque vous le faites, il vous trouve faible et vous accuse de ramper devant lui. Par certains côtés, il se conduit comme une diva, totalement dans l’instinct et avec le besoin d’être dorloté en permanence.
* Reince Priebus, ex-président du Parti républicain devenu secrétaire général de la Maison-Blanche jusqu’en juillet 2017.
Trump et ses tripes
C’est tout le problème de la présidence Trump. Il ne trie pas les informations qu’on lui donne, il ne lit pas, il ne survole même pas. Certains ont prétendu qu’il sait tout juste lire et écrire. Mais il ne croit qu’en sa propre expertise, même si elle se révèle dérisoire ou hors sujet. Il est souvent confiant mais peut se montrer paralysé par moments. Sa façon instinctive de répondre consiste à ne riposter qu’en croyant ce que ses tripes lui dictent, même si cela se révèle souvent confus. Comme le disait Walsh*, « c’est comme si l’on devait essayer de comprendre ce que veut un enfant ».
* Katie Walsh, ancienne numéro 2 du Parti républicain devenue secrétaire générale adjointe de la Maison-Blanche avant de démissionner en mars 2017.
lejdd